Le texte des actes des apôtres est le témoignage que nous avons d’un événement qui visiblement a des effets au niveau somatique et dans l’entendement.
Même si la scène peut rappeler des choses de l’Ancien Testament, il faut essayer de saisir l’évènement dans sa fraîcheur et en communauté ecclésiale.
Tout d’abord, il y a comme deux temps.
Le premier temps, les apôtres sont rassemblés et le groupe en question reçoit le don de l’Esprit et ils se mettent à parler d’autres langues, selon le don de l’Esprit.
Un second temps, où visiblement, ils sont dehors, à parler à haute voix, ce qui provoque l’attroupement autour de la voix, et on nous dit que chacun des auditeurs l’entend dans son propre dialecte.
Premièrement, l’Esprit est ce qui nous manque, l’Esprit est le seul sacrement, celui qui nous met en phase avec Dieu, qui nous fait entrer dans la dynamique de la participation ou de la divinisation, comme disent les Orientaux.
Le don de l’Esprit est donc en même temps pour la mission.
Le don de l’Esprit n’a pas pour objet de parler d’autres langues sans objet.
Il ne faut pas se fourvoyer, même si les amateurs de signes sont friands de ces manifestations et ne se soucient guère de discernement.
Les langues étrangères ne sont pas faites pour parler à soi-même ou émettre des vocables que personne de l’entourage ne comprend, pas même le protagoniste !
Les langues sont faites pour communiquer avec ceux qui les comprennent, pour aller vers eux et entrer en relation avec eux.
On voit que l’Esprit se manifeste par son sens de l’à-propos, par son sens de la prévenance, par la justesse de ses motions.
Il y a une sorte d’adéquation au réel qui nous rappelle ce que nous pouvons observer dans la nature.
Il n’y a rien d’inutile dans la nature, surtout dans le monde vivant. Tout ce qui existe sert à quelque chose. Et quand un élément devient obsolète, alors il est repris et réaffecté à d’autres fonctions.
À moins que ce ne soit la nature qui imite l’Esprit.
Chacun s’exprime selon les dons l’Esprit. Il y a une personnification, une unicité des dons.
En général, Dieu ne se répète pas, il ne duplique pas le déjà fait, il ne fait pas les choses en série. Il fait dans l’unique.
Les auditeurs aussi vivent une expérience qui mérite d’être soulignée.
Eux aussi sont sous la mouvance de l’Esprit, car ils vivent une expérience d’ouverture des sens, une expérience d’ouverture à l’humanité, d’ouverture à l’autre, au point de l’entendre avec clarté, c.-à-d. comme dans son propre dialecte.
Si vous connaissez une autre langue et que celle-ci vous est entrée dans l’âme, alors, quand les natifs dans cette langue vous parlent, vous les entendez comme s’ils parlaient votre propre langue maternelle. Pour le coup, on est dans l’anti-Babel.
La communication en effet est au-delà de la langue.
D’ailleurs, il existe une langue que nous parlons tous, une langue non écrite. Elle n’a ni vocabulaire ni grammaire. Elle n’est pas enseignée. C’est pourtant la langue avec laquelle nous nous exprimons quand nous parvenons à être en phase avec l’autre, la langue de la compréhension profonde de l’autre. Nous savons que c’est une grâce quand cela se produit.
Ainsi, quand les merveilles de Dieu nous sont annoncées, ou quand l’Esprit repose sur nous et nous ouvre les sens, alors nous entendons les choses cachées depuis les fondations du monde dans cette langue non écrite que nous parlons tous, c.-à-d. nous les entendons avec clarté, et ces merveilles nous illuminent de l’intérieur et nous transforment.
C’était déjà l’expérience des pèlerins d’Emmaüs, ainsi quand ils reçurent le don de l’Esprit, sans doute ont-ils fait le lien entre cette brûlure du cœur qu’ils ont éprouvée sur le chemin d’Emmaüs et la brûlure du cœur de la Pentecôte. Oui, c’est bien l’Esprit du Christ.
Paul exhorte à vivre sous la conduite de l’Esprit.
Ici, on n’est pas dans la morale. Il est vrai que l’Esprit nous fait entrer dans un processus d’intégration de notre personne, un processus d’ordonnancement de notre personne.
L’Esprit n’est pas notre propriété ! Certains dans l’Église confondent l’abus de pouvoir, ce que Paul qualifierait de « tendance de la chair » et l’inspiration de l’Esprit. Mais ils savent très bien ce qu’ils font. La démission de l’épiscopat chilien vient de nous le signifier.
Vivre sous la conduite de l’Esprit nous tourne vers la mission.
La mission, c’est quand la cause de Dieu devient notre cause personnelle. La cause de Dieu est toujours la cause de l’homme, c.-à-d. la cause de celles et ceux auprès de qui nous sommes envoyés, la cause de celles et ceux qui nous sont confiés, et donc notre cause personnelle. Seul le don de l’Esprit nous mène à cette hauteur dans l’engagement.
Là encore, l’Esprit nous rappelle ce que nous observons dans la nature. L’Esprit fait les choses dans l’à-propos.
Jésus dit en ce sens « J’ai encore beaucoup de choses à vous dire, mais pour l’instant, vous ne pouvez pas les porter. Quand viendra l’Esprit de vérité, il vous conduira dans la vérité tout entière ».
L’Esprit vous communiquera ce qu’il faut en son temps et son lieu.
Il est évident que nous sommes dans le temps de l’Esprit, comme avant la venue du Christ.
Connaissant le Christ, nous sommes maintenant en mesure de reconnaître son Esprit, comme l’ont expérimenté les pèlerins d’Emmaüs.
Heureux sommes-nous si l’Esprit de Dieu repose sur nous !
Amen.
Père Roland Cazalis