L’épisode que nous relatent les actes des apôtres est comme un Babel deux fois surmonté.
La première : point n’est besoin de construire un tour pour rejoindre Dieu, car c’est lui qui vient, et seul lui peut venir.
La seconde : le multiparler de Babel qui provoque la confusion - le mot confusion est d’ailleurs repris dans le texte- n’est pas remplacé par une langue unique. Au contraire, l’Esprit fait entendre dans le dialecte de chacun, ou dans la langue maternelle de chacun.
Le dialecte ou la langue maternelle et le véhicule qui atteint les couches les plus profondes de l’individu, ou qui parvint le plus loin dans les arcannes du sujet. En même temps, il permet au sujet d’exprimer ce qui est le plus personnel et le plus profond, tout en maîtrisant parfaitement ce qu’il dit.
La question que l’on se pose est la suivante : est-ce que ces gens parlaient en langues étrangères ou est-ce que les sens des auditeurs étaient ouverts à l’extrême, ou les deux à la fois ?
Quoi qu’il en soit, l’Esprit apparaît comme celui qui opère la communication profonde, ou la communication des profondeurs qui suppose émission et réception. L’Esprit est celui qui fait comprendre les choses cachées depuis les fondations du monde, pour reprendre une expression du Christ.
Quand on dit « comprendre », il ne faut pas tomber dans les pièges du péché mignon occidental qui a tendance à ramener la compréhension à une saisie de la pensée, une sorte de captatio de la raison.
Or, il s’agit davantage d’une transmission de quelque chose qui en vient à nous constituer, qui en vient à faire partie de notre constitution ou à nos fondements.
Contrairement à une maison ou n’importe quel édifice, on pose d’abord les fondations, puis on bâtit sur ces fondations.
Dans la relation avec Dieu, les fondations se font au fur et à mesure de l’existence ; elles se font même sur le tard.
Même pour ceux et celles qui reçoivent très tôt, c.-à-d. dès le sein de leur mère, des grâces spéciales, les fondations ne cessent de se renforcer au cours de l’existence, donc avec le temps.
L’Esprit est donc comme celui qui communique les fondations en les révélant.
En conséquence, nous voyons tout de suite l’importance de l’Esprit dans la fondation de l’Église, mais aussi dans l’aventure de tout être humain dans le monde de la vie.
De nos jours, la présence de l’Esprit est plus que jamais incontournable pour révéler aux contemporains leur nature et leur vocation afin qu’ils sachent comment agir dans le monde et dans quelle direction.
Plus l’individu a des capacités d’initiative, plus son action est susceptible d’impacter le monde, plus cet individu a besoin de lumière intérieure.
Les capacités que donnent maintenant les biotechnologies, le numérique et leur association nous font prendre conscience de l’importance de cette lumière intérieure, car nous sommes maintenant en mesure d’impacter positivement ou négativement la société et les espèces vivantes.
Là, nous reviennent en mémoire des versets entiers du psaume 118, tel que :
« Apprends-moi à bien juger et à bien agir »
« Incline mon cœur vers tes exigences,
non pas vers le profit.
Détourne mes yeux des idoles :
que tes chemins me fassent vivre ».
Etc.
Ce que dit le psaume, Paul le redit dans son langage.
Il parle de celui qui est sous l’emprise de la chair, ce qui aurait trait au profit et aux idoles.
Si chacun y va de son profit et de ses idoles, alors ce sera à nouveau la multiplicité des esprits, donc Babel à nouveau, la confusion et le chaos.
Au contraire, Paul exhorte à être sous la mouvance de l’Esprit, l’unique Esprit, celui communique les fondations en nous révélant qui nous sommes.
Il nous exhorte à être comme celui qui veut se laisser conduire par l’Esprit de Dieu et que Dieu fait de lui une demeure.
On voit que ce n’est pas tout à fait la même vie.
La bonne nouvelle, c’est que l’Esprit est l’éminent actuel.
L’Esprit est celui avec qui, ou sous la mouvance de qui nous allons inventer le présent.
Ainsi, ce dimanche, nous ne sommes pas en train de commémorer la Pentecôte.
Nous sommes en train de prier pour qu’à l’instar du premier groupe des chrétiens, l’Esprit nous soit donné pour que nous puissions donner la bonne direction au monde, en d’autres termes, pour que nous puissions nous laisser conduire selon la justice de l’Esprit.
Voilà la grâce que nous demandons aujourd’hui.
Amen.
Père Roland Cazalis