Si je n’aime pas mes ennemis, je n’aurai pas de récompense ? On dirait qu’on est revenus à l’école et à la distribution de bons points, de bonbons, ou de croix du mérite. Mais de quelle récompense s’agit-il ? Il me semble que c’est celle de la joie de vivre et de la joie d’aimer. C’est énorme ! C’est la joie des tout-petits qui entrent dans le royaume des cieux, et qui commence en quittant la logique humaine, dans le monde, pas en dehors, pour accueillir celle de Dieu, en son Fils bien-aimé, le Tout-Petit.
Aimer son prochain, ce n’est déjà pas si facile que ça. Aimer ses ennemis, c’est divin. Mais finalement c’est quoi, aimer ? Pour Jésus, c’est pèleriner vers la vie, aller aux périphéries, dirait le pape François. Là, j’éprouve et reconnais ouvertement ce que la vie produit en moi, pour cheminer avec les autres, et traverser les situations que la rencontre suscite : tempêtes, guerres, sécheresses, doutes, ennui, mais aussi espoirs, élans, projets, chantiers … Aimer, c’est cheminer vers sa Naissance, vers soi-même. Aimer ses ennemis, c’est s’aimer soi-même, sans doute. Difficile de s’aimer parfois, et de se laisser aimer quand l’autre semble vous supplanter ou vous ignorer, ou qu’on vit une nuit de la foi. Je ne peux aimer et devenir ami dans le Seigneur que si je consens à moi-même, en vérité, jusque dans ma pauvreté. A Gethsémani, le Christ a traversé la nuit de la foi quand aimer ses ennemis l’a amené à aller jusqu’au bout de l’offrande. Aimer ses ennemis, ce n’est pas être gentil avec eux, c’est être fils, fille de Dieu, du Père, jusqu’au bout. Avec le Bien-Aimé. C’est recevoir la Vérité et quitter le Mensonge, comme Elie le fait découvrir à Acab.
Olivier de Framond, compagnon jésuite