Les paraboles sont d’une richesse inépuisable. Elles nous suscitent à chaque moment de notre vie pour nous donner d’aller vers la vie véritable. à partir de là où nous sommes. A nous d’entrer dans l’histoire et de nous laisser toucher par tel ou tel aspect, un sens profond se manifeste alors et nous appelle.
Ainsi j’ai été saisi par l’insistance du maître de maison pour sa vigne et qui veut pouvoir en prendre le plus grand soin en ne cessant d’envoyer des ouvriers à sa vigne… Il enverra tous les ouvriers qu’il trouvera aussi bien le matin, qu’à neuf heures, midi, trois heures ou cinq heures… Si nous considérons le récit à partir de là, nous voyons la profonde relation d’amour qui lie le Maitre de maison à sa vigne.
Dès lors, nous pouvons comprendre que chaque ouvrier qui a contribué à l’entretien de celle-ci lui est cher et peut recevoir une reconnaissance identique en percevant le même salaire. L’histoire n’est pas seulement à considérer selon le point de vue particulier de chaque ouvrier mais selon le point de vue aussi du Maître et de sa vigne, découvrir alors que travailler pour la vigne du maître c’est bien plus que d’assurer certaines opérations, c’est permettre la vie en plénitude d’un être qui compte pour le Maître… c’est aussi se retrouver inclus dans un groupe porté par cette attention du maître, c’est à proprement parler « servir », ce qui transcende les prestations par l’appartenance. Et c’est, du coup, se rapporter aux autres serviteurs autrement, dans une étroite solidarité. Ils sont tous au service de la même vigne pour le même maître.
Et parmi les serviteurs, il y a le premier, celui qui aura travaillé tout du long, qui aura pris soin de la vigne de son Père depuis l’aube jusqu’au crépuscule : Jésus. En lui, le Fils, nulle jalousie, il donne à chacun de pouvoir s’investir le plus qu’il peut dans ce projet commun. Pour lui aussi, la contribution de chacun est précieuse et quelle qu’elle soit elle a le même prix, le prix de l’attention partagée. Chaque contribution donne à la vigne de mieux vivre.
Ce changement de perspective est appelé à s’opérer en chacun de nous. Et pour que ce changement imprègne toutes nos pensées et nos actions, il est bon que cela commence par le regard que nous portons sur nous-même, sur notre propre manière de faire. Chacun de nous, nous avons de grandes qualités qui nous aident fortement à agir, les ouvriers de la première heure, mais nous avons aussi des capacités moindres, les ouvriers de la dernière heure. Apprenons à estimer nos capacités faibles en nous, reconnaissons-les, suscitons-les. Les premières nous ont permis de faire beaucoup, mais sans la contribution des dernières peut être bien que nous n’aurions pas pu achever justement notre mission. Prenons en conscience, honorons ce qui est faible en nous-même, donnons-lui de croître, et notre action sera globalement ajustée. Ne laissons pas en nous-même les grandes qualités mépriser et reléguer les petites qualités. Cette justice vécue en nous même nous donnera d’être justes, bons et reconnaissant envers les autres comme le sont le Père et le Fils. (Mt 20, 1-16 recevons toujours plus largement notre situation)
Jean-Luc Fabre, compagnon jésuite