Marc 8, 11-13 En ce temps-là, les pharisiens survinrent et se mirent à discuter avec Jésus ; pour le mettre à l’épreuve, ils cherchaient à obtenir de lui un signe venant du ciel. Jésus soupira au plus profond de lui-même et dit : « Pourquoi cette génération cherche-t-elle un signe ? Amen, je vous le déclare : aucun signe ne sera donné à cette génération. » Puis il les quitta, remonta en barque, et il partit vers l’autre rive.
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« Ils cherchaient à obtenir de lui un signe venant du ciel » Les verbes le signifient : « Survenir » et « obtenir » signent une approche enfermée. Les pharisiens attendent une réponse précise à leur demande. Ils ne s’offrent pas eux-mêmes dans la demande. Ils sont en surplomb. Ils ne veulent qu’un signe qui atteste que tout se déroule bien selon le schéma prévu, dans un sens ou dans l’autre. C’est une absence totale de dialogue, le refus de tisser ensemble : tout est prévu ainsi depuis le début. A travers cela, se signe, plus profondément, un profond manque de respect envers l’autre [réduit à être le simple agent d’un système] mais aussi envers soi-même [réduit à être un objet du process]. La liberté en eux, les pharisiens, envers leur interlocuteur, Jésus, est évanouie. L’humanité a déserté leur être…
« Jésus soupira au plus profond de lui-même » En toute situation, Jésus va toujours au-delà de l’attaque qui lui est adressée. Lui qui est tout amour, toute ouverture se retourne vers ses interlocuteurs en indiquant pour tous une sortie de crise. Jésus déclare ici une bonne nouvelle pour la génération mais aussi pour toutes les générations, pour nous aussi… Cette réponse vient du fond de l’humanité qu’il est le seul, comme Verbe incarné, capable d’explorer et habiter à cette profondeur. Il sait ce qu’est l’homme et ce qui lui permet d’être pleinement vivant.
« Aucun signe ne sera donné à cette génération » Nous, les êtres humains, nous ne sommes pas appelés à chercher des signes tout faits. Nous sommes appelés à entrer en dialogue pour avancer avec Dieu et, de là, inventer avec lui des signes élaborés en commun. C’est l’expérience du Peuple hébreux dans le désert qui marchera durant quarante ans pour reconquérir la capacité d’être un peuple à la recherche de la justice dans la terre promise, c’est l’expérience d’Ignace qui sortira du rêve d’une réponse automatique et figée, nimbée de perfection au début de sa conversion pour entrer dans un avenir qui se construit, pas à pas, en dialogue avec le Seigneur à partir de son quotidien. C’est l’expérience de Marie aussi avec l’ange Gabriel : elle ne pose pas la question du pourquoi, un pourquoi extérieur à la relation et opératoire mais elle pose la question du comment : un comment intérieur à la relation entre Dieu et elle, en démarche d’alliance…
En toute situation, nous avons à partir de ce que nous avons, de ce qui se donne à nous. Le signe s’invente et s’échange alors dans une relation entre des personnes, relation qui est première. Jésus n’a jamais refusé de marcher avec quiconque, et à sa suite, de même Marie qui répond aux apôtres, aux disciples, à tous, de même Ignace qui ne cessera d’écrire, de rencontrer… produisant sans cesse de nouveaux signes pour bâtir le corps total du Christ. Alors nous aussi faisons de même, ne cessons pas de tisser des relations, des débuts de dialogue… recherchons sans cesse la paix, la bonne entente… n’ayons pas peur de faire les premiers pas, de nous faire avoir… Il nous précède, Il nous conduit, Il nous guide, Il nous escorte. Tissons avec lui les signes de son Royaume !
Jean-Luc Fabre, compagnon jésuite