Comme jamais, peut-être, notre temps présent est traversé d’épreuves, habité d’ambiguïtés, troublé d’incertitudes. Nous avons besoin, pour vivre, de pouvoir nous inscrire, nous réinscrire dans l’espérance, nous le sentons tous. Aussi avons-nous à réaliser qu’espérer, c’est d’abord accepter d’aller pas à pas, dans son aujourd’hui, son quotidien, avec le courage d’avancer. Nous avons besoin pour cela de comprendre comment peut (re)naître en nous l’espérance. Et la parole de Dieu, en cet Avent 2023, vient nous rejoindre pour nous aider, chacun et tous, à voir comment espérer vraiment. Alors laissons-nous guider par l’évangile de Marc même si tous les passages bibliques de ce dimanche nous parlent à leur manière de l’espérance.
Réécoutons l’évangile et voyons ce qu’il nous enseigne. Evangile, autrement dit « bonne nouvelle », de Jésus, puis Christ, puis Fils de Dieu… L’évangile de Marc est bâti sur deux longues scansions, celle qui se conclut par par Pierre qui déclare « tu es le Christ » et la suivante lorsque « le centurion qui était là en face de Jésus, voyant comment il avait expiré, déclara : ‘ Vraiment, cet homme était Fils de Dieu ! ‘ ». La révélation se fait ainsi : pas à pas et par étape. Le chemin de révélation s’ouvre peu à peu, comme de lui-même. La bonne nouvelle qui nous rejoint, ce dimanche, elle a toujours avancé ainsi. Et elle avancera ainsi encore, aussi bien collectivement que personnellement.
Comment vient-elle se nicher dans le texte ? Au début de cet évangile, elle s’indique d’abord, dans un espace indéfini, à travers comme une pancarte qui déclare une direction désirable, avec le passage d’Isaie qui sommeille dans cet immense recueil qu’est la bible : « Voici que j’envoie mon messager en avant de toi, pour ouvrir ton chemin. Voix de celui qui crie dans le désert : Préparez le chemin du Seigneur, rendez droits ses sentiers ». La voix est là, apparemment inerte, parce que sans incarnation, sans effectuation, une parole comme morte ou pas encore née, gisant au fond du livre. Mais elle sera, un jour, assumée par un homme qui lui donnera chair parce qu’il aura reconnu qu’elle lui fait signe et qu’il agira à partir d’elle dans sa propre situation. Alors la voix prendra visage, forme. Ce sera « Jean vêtu de poils de chameau, avec une ceinture de cuir autour des reins, se nourrissant de sauterelles et de miel sauvage ». Elle produira alors un premier fruit collectif « Toute la Judée, tous les habitants de Jérusalem se rendaient auprès de lui, et ils étaient baptisés par lui dans le Jourdain, en reconnaissant publiquement leurs péchés ». Mais elle dira aussi son manque, son inachèvement, son attente, sa propre espérance… « Voici venir derrière moi celui qui est plus fort que moi ; je ne suis pas digne de m’abaisser pour défaire la courroie de ses sandales. Moi, je vous ai baptisés avec de l’eau ; lui vous baptisera dans l’Esprit Saint. » La promesse, elle, elle est toujours au-devant nous, le Christ ne nous a-t-il pas dit que nous ferions des choses plus grandes que lui ?
L’espérance naît d’un chemin entrepris à partir d’un signe, d’un risque pris, puis continué dans notre présent. Elle ne s’invente pas. Elle se reçoit puis elle se dialogue. Cela implique que nous prenions en considération, en nos vies, ce qui nous fait signe et posions de premiers actes en réponse et avancions. Que nous soyons des couples sur le chemin de l’engagement, que nous soyons désireux de voir la croissance d’un écocentre spirituel en région lyonnaise, que nous soyons en retraite à la recherche du sens présent de notre vie, comme Jean Baptiste, nous avons reçu des signes alors posons des actes qui nous engagent, qui tissent le dialogue. L’espérance qui nous attendait se manifestera davantage et nous conduira.
Prenons aussi appui pour ce chemin sur ce qu’a écrit Christian de Chergé, quelques trois semaines avant d’être enlevé : « Le courage du quotidien est celui qui nous prend le plus fortement au dépourvu Pour qu'en toutes choses, Dieu soit glorifié, il faut durer dans la patience, participer par la patience aux souffrances du Christ, sans enjamber sur l'avenir qui n'appartient qu'à Dieu. Il n'y a d'espérance que si l'on accepte de ne pas voir l'avenir. Pensons au don de la manne dans le désert. Il était quotidien, mais on ne pouvait en garder pour le lendemain. Vouloir imaginer l'avenir, c'est faire de l'espérance fiction. Dès que nous pensons l'avenir, nous le pensons comme le passé. Nous n'avons pas l'imagination de Dieu. Demain sera autre chose. Nous ne pouvons pas l'imaginer ».
Jean-Luc Fabre, compagnon jésuite