Luc 21, 34-36 En ce temps-là, Jésus disait à ses disciples : « Tenez-vous sur vos gardes, de crainte que votre cœur ne s’alourdisse dans les beuveries, l’ivresse et les soucis de la vie, et que ce jour-là ne tombe sur vous à l’improviste comme un filet ; il s’abattra, en effet, sur tous les habitants de la terre entière. Restez éveillés et priez en tout temps : ainsi vous aurez la force d’échapper à tout ce qui doit arriver, et de vous tenir debout devant le Fils de l’homme. » – Acclamons la Parole de Dieu.
Pour être pleinement présent en ce monde dans l’attente de la venue du Fils de l’homme, prions !
Notre vie quelle est-elle ? Comment évolue-t-elle au fil des jours, des mois, des années… il y a une profonde illusion à croire qu’elle est prise dans une régularité. Non elle avance, elle se déploie où elle se trouve et, à un moment, elle s’effondre et tombe, en s’anéantissant… Elle tombe, ne serait-ce que par le vieillissement, mais bien d’autres causes peuvent agir… Et, c’est là, en ce point, surtout là en fait, que la Bonne Nouvelle de Jésus Christ vient retentir en nous… Ce passage de Saint Luc nous plonge dans notre situation commune. La situation de l’homme, de tout homme, là où le Seigneur vient nous rejoindre. C’est bien en ce lieu où doit s’amorcer, pour chacun, le temps de l’attente véritable au cœur de notre situation, en notre monde. De précieuses indications sur la manière d’être nous sont données dans ce passage de Saint Luc, indications qui peuvent accompagner toute notre existence. Tentons de percevoir cette situation en sa profondeur, notre situation, de comprendre ce qui retourne notre façon de la voir, de nous approprier ce qui nous est demandé au cœur de cette situation par le Seigneur… Ce dimanche 27 novembre 2022, nous rentrons encore une fois dans l’esprit de l’Avent !
1. « La crainte des malheurs arrivant sur le monde »En ces jours des difficultés pour notre pays, nous comprenons bien mieux qu’à d’autres époques de notre histoire commune ce que peut vouloir dire que « les puissances des cieux soient ébranlées ». Nous concevons que le monde dans lequel nous évoluons puisse vaciller, se décomposer. Avec l’ensemble des relations, des manières de faire, de voir, de dire qui ne marchent plus. Tout semble ne plus avoir le moindre poids, la moindre consistance, je ne puis plus me situer, je suis perdu. L’activité s’arrête, la base de l’échange n’existe plus. Cela peut être aussi, pour ma vie propre, le geste que je ne puis plus poser, le souvenir que je perds et qui me fait tourner en rond. Tout se grippe, s’effondre, toute nouveauté devient inquiétante, angoissante… Nous comprenons alors qu’une peur terrible puisse nous saisir, lorsque nos repères s’effondrent… Être dans cette situation, nous ouvre à une nouvelle manière de nous ouvrir à la Bonne Nouvelle, en regardant aussi autrement notre situation. Car, tout ne s’effondre pas, il nous est dit qu’un subsiste, qu’un se tient, qu’un vient… Le Fils de l’homme ! Et ce Fils de l’homme vient nous révéler ce qui compte vraiment en nos vies !
2. « On verra le Fils de l'homme venir dans la nuée » Un Fils d’homme apparaît. Il se tient en ce monde qui s’effondre. Il tient parce qu’il ne dépend pas de ce système, de ce monde, il n’est pas lié à lui, il vient en ce monde de la nuée. Il prend son appui sur autre chose que le monde. Il ne tient pas à lui, il n’est pas tenu par le monde. Il est libre par rapport au monde. Il tient d’un autre. Il vient avec puissance et gloire. Il se manifeste, il manifeste ce à quoi il tient, ce qui le tient, la relation vivante avec son Dieu. Il est l’homme fort qui remet les choses à leur place. Son surgissement manifeste l’inconsistance de ce sur quoi nous, les hommes, prenions appui. L’effondrement du monde et le surgissement du Fils de l’homme manifestent la vérité profonde de la situation, la possibilité qui nous est offerte, a contrario, d’être pleinement nous-mêmes. Nous pouvons être pleinement nous-mêmes, nous développer, nous tenir droit… en nous situant justement dans la situation, en la prenant pour ce qu’elle est vraiment.
3. « Restez éveillés et priez en tout temps » Dès lors, nous pouvons comprendre la juste manière de vivre pour nous en ce monde, en l’absence manifeste de ce Fils d’homme qui va venir. Nous pouvons accepter notre situation, en sachant que le monde ne peut nous satisfaire, qu’il est irrémédiablement limité. Nous devons, nous pouvons porter cette incomplétude du monde, ne pas nous fier à lui aussi bien dans l’excès du travail, que dans celui de la jouissance. Nous sommes appelés à bien davantage, et nous ne cherchons qu’à manifester ce davantage en notre vie. La prière signe en nous ce désir, cette attente, cette capacité de témoigner, cette capacité à tenir dans l’incomplétude des choses et des êtres… La prière nous maintient dans la vérité de notre situation, qui ne peut nous combler. Avec elle, nous supportons notre précarité, nous l’apprécions même. La précarité est ce qui ne peut s’obtenir que par la prière, c’est ce que dit son sens étymologique. Ainsi, nous restons libres par rapport à la situation. Alors, lorsqu’il viendra nous pourrons aller à lui, parce que nous n’aurons cessé de l’attendre en ce monde, sans être du monde. L’effondrement du monde ne nous abattra pas, au contraire nous donnera de manifester ce sur quoi nous tenons : l’attente de sa venue. En nous tenant droit, nous manifesterons que nous sommes devenus pleinement et simplement humains, des fils d’homme.
Jean-Luc Fabre, compagnon jésuite
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