Lc 11, 29-32En ce temps-là, comme les foules s’amassaient, Jésus se mit à dire : « Cette génération est une génération mauvaise : elle cherche un signe, mais en fait de signe il ne lui sera donné que le signe de Jonas. Car Jonas a été un signe pour les habitants de Ninive ; il en sera de même avec le Fils de l’homme pour cette génération. Lors du Jugement, la reine de Saba se dressera en même temps que les hommes de cette génération, et elle les condamnera. En effet, elle est venue des extrémités de la terre pour écouter la sagesse de Salomon, et il y a ici bien plus que Salomon. Lors du Jugement, les habitants de Ninive se lèveront en même temps que cette génération, et ils la condamneront ; en effet, ils se sont convertis en réponse à la proclamation faite par Jonas, et il y a ici bien plus que Jonas. »
**********************
Dans le temps du carême, spécialement en son début, nous sommes appelés à faire la vérité en nous avec l’aide du Seigneur. Cette vérité renouvelée sera ce qui nous permettra, comme le dit la prière d’ouverture du quatrième dimanche de carême, de nous hâter avec amour au-devant des fêtes pascales qui approchent. La parole de Jésus que nous venons juste d’entendre vient nous aider à faire la vérité en nous. Recevons la chacun d’entre nous et laissons la nous interroger. Cette génération est une génération mauvaise : elle cherche un signe, mais en fait de signe il ne lui sera donné que le signe de Jonas (Lc 11,29). Je suis, vous êtes, nous sommes de cette génération.
Et peut-être réalisons d’abord que vouloir un signe, ce n’est pas forcément faire preuve d’une grande ouverture. C’est, bien plutôt, imposer à l’autre de répondre à ce que je l’enjoins de dire sous la forme que j’attends. C’est risquer de faire preuve d’une suffisance extrême, d’un terrible enfermement sur soi-même. J’impose à l’autre de me répondre quand je le veux, et comme je le veux, indépendamment de lui. Ce qui n’est pas moi, selon moi, n’existerait en fait que par moi, qu’à partir de moi, aussi généreux que je puisse me sembler être. Pure folie. Alors que la seule voie de la rencontre en vérité est celle de la pauvreté nue.
Ainsi lorsque j’étais grandement désireux de savoir vers où orienter ma vie, au temps de ma jeunesse, j’ai pris sérieusement les moyens : j’ai fait une retraite de huit jours, deux pèlerinages en terre sainte. Mais au terme du dernier pèlerinage, j’ai été amené au Saint Sépulcre à dire à mon accompagnateur, et c’était en 1979, que je n’arrivais à rien. Aucun de mes efforts ne me permettait, en effet de trouver mon chemin. Le reconnaître a été douloureux mais mystérieusement, en le disant à mon accompagnateur, une espérance, une ouverture nouvelle sont nés en moi, à l’instant. J’entrais, en fait, autrement en relation avec le Seigneur. J’attendais bien davantage de lui la réponse, je m’en remettais à lui. Je n’étais plus le seul maître à bord de ma recherche. La statue des convictions pour bien faire se fissurer.
Sur le plan technique, que j’ai découvert après, je vivais une consolation du deuxième type, celle où l’âme verse des larmes qui la portent à l'amour de son Seigneur, soit à cause de la douleur ressentie pour ses péchés ou pour la Passion du Christ notre Seigneur, soit pour d'autres choses droitement ordonnées à son service et à sa louange comme le dit Ignace dans les Exercices Spirituels. C’était bien ce qui se passait, une douleur ressentie pour une décision plus droitement ordonnée à son service et à sa louange. Le Seigneur s’était retiré apparemment, et ce manque m’amenait à le considérer davantage, à sortir de ma suffisance. En fait de signe il ne lui sera donné que le signe de Jonas (Lc 11,29)
Merci à l'auteur de cette image
Et ce signe de Jonas, ce retrait de la présence gracieuse qui se donne, cette possibilité offerte d’éprouver le manque réveille en chacun de nous le sens de la relation gratuite et réciproque avec le Seigneur, avec la bonté du Père, avec l’autre humain également. N’ayons pas peur de cette perte, de ce manque… Je puis ainsi prendre conscience de tout ce qui m’était donné et dont je n’avais pas conscience. Il m’est alors offert d’entrer dans un mouvement de reconnaissance, de respect, de relation renouvelée. Recevoir, rendre prennent un nouveau sens pour moi. La relation devient première. La chose perd de son éclat en elle-même mais elle se révèle fondamentalement comme le lieu de l’échange entre nos libertés. La vie en nous devient autre.
Jean-Luc Fabre, compagnon jésuite
Partager cet article
Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :