Luc 19, 45-48 : En ce temps-là, entré dans le Temple, Jésus se mit à en expulser les vendeurs. Il leur déclarait : « Il est écrit : Ma maison sera une maison de prière. Or vous, vous en avez fait une caverne de bandits. » Et il était chaque jour dans le Temple pour enseigner. Les grands prêtres et les scribes, ainsi que les notables, cherchaient à le faire mourir, mais ils ne trouvaient pas ce qu’ils pourraient faire ; en effet, le peuple tout entier, suspendu à ses lèvres, l’écoutait.
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Nous sommes dans le Temps liturgique de la fin de l’année, dix jours encore et ce sera l’Avent, avec une nouvelle année liturgique, un nouveau cycle dans un autre évangile. Mais, en ces jours, nous avons à vivre, pour lui-même, ce temps où nous sommes. Ce temps de la fin, que nous vivons, peut nous aider à vivre notre quotidien grâce à notre suite contemplative de Jésus vers la fin de sa vie, avec l’arrivée à Jérusalem, avant le temps formel de sa passion. Nous sommes tous appelés à vivre notre vie présente dans la perspective de la venue de notre mort, mort qui signera notre attitude envers la vie. Alors que recevons-nous d’une manière plus spécifique du passage de l’Evangile du jour ?
« Entré dans le Temple » Voilà un geste habituel chez Jésus. Il entre dans une nouvelle situation, comme il n’a cessé de le faire, depuis le baptême au Jourdain avec son entrée à la synagogue de Nazareth, puis celle de Capharnaüm, les appels des premiers disciples… A chaque fois, de nouvelles situations humaines et toujours son attitude intérieure de relation avec son Père qui demeure fidèle à sa visée et qui se déploie. Dans son existence, maintenant, tout se précipite : il y a eu l’entrée dans la ville, maintenant l’entrée dans le Temple, il y aura bientôt l’entrée dans sa passion avec la préparation de la Pâque demandée à Pierre et à Jean et le partage de la dernière cène. Chaque situation est à vivre pour Jésus avec son Père et avec les hommes. Il met pleinement en œuvre sa liberté d’aller. Il se manifeste comme une liberté qui suscite celle des autres. Jésus un homme libre qui va d’une situation à l’autre jusqu’à la fin de son existence.
« Il est écrit : Ma maison sera une maison de prière. Or vous, vous en avez fait une caverne de bandits. » Que dire de ces propos ? Jésus ne cesse d’être mesuré, référé, ordonné. Jésus prend appui sur la Parole de Dieu et il renvoie à elle, depuis son baptême, le temps du désert et ses réponses au diable. Il cherche à trouver, à faire retrouver l’attitude juste de la vie, dans le respect et l’amour de Dieu, son Père. Ici, Jésus pose le constat de la dérive, le temple devenu « caverne de bandits », et va, pour sa part, œuvrer dans le sens attendu, dans le sens promis. « Il était chaque jour dans le Temple pour enseigner ». Cette attitude extérieure prend appui sur sa conviction personnelle mais elle se met en œuvre sans violence aucune.
« Le peuple, suspendu à ses lèvres ». Sa manière d’être, d’exister, est pour Jésus sans le moindre pouvoir de coercition. Il est seulement ouvert à la situation. Jésus ne peut exister ainsi dans la durée que dans la mesure où son propos est reçu par d’autres. Mais cette pauvreté, cette dépendance envers l’ouverture ou non de son interlocuteur, c’est aussi la seule manière pour lui d’attester en vérité ce qu’il annonce, de lui donner chair. A chacun de ses interlocuteurs dans le récit biblique, de nous aussi par ricochet, de le percevoir et de découvrir que là réside la vraie et seule manière d’être en vérité. Jusqu’au bout de son existence terrestre, Jésus sera avec la main tendue, ouvert, sans rien imposer, mais s’adressant à la liberté de l’autre.
Voilà ce qui s’offre à chacun de nous pour vivre pleinement notre propre existence : nous ancrer dans la relation intérieure au Père, en étant ouvert à la situation extérieure qui s’offre à nous. Accepter de vivre pauvrement notre quotidien à l’écoute de la Parole de Dieu, ouvert à l’échange dénudé avec chacun de nos frères et chacune de nos sœurs, dans l’attente de la Parousie. Amen !
Jean-Luc Fabre, compagnon jésuite