Jean 14, 21-26
En ce temps-là, Jésus disait à ses disciples : « Celui qui reçoit mes commandements et les garde, c’est celui-là qui m’aime ; et celui qui m’aime sera aimé de mon Père ; moi aussi, je l’aimerai, et je me manifesterai à lui. » Jude – non pas Judas l’Iscariote – lui demanda : « Seigneur, que se passe-t-il ? Est-ce à nous que tu vas te manifester, et non pas au monde ? » Jésus lui répondit : « Si quelqu’un m’aime, il gardera ma parole ; mon Père l’aimera, nous viendrons vers lui et, chez lui, nous nous ferons une demeure. Celui qui ne m’aime pas ne garde pas mes paroles. Or, la parole que vous entendez n’est pas de moi : elle est du Père, qui m’a envoyé. Je vous parle ainsi, tant que je demeure avec vous ; mais le Défenseur, l’Esprit Saint que le Père enverra en mon nom, lui, vous enseignera tout, et il vous fera souvenir de tout ce que je vous ai dit. »
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Les passages de l’évangile retenus durant le temps pascal sont là, pour baliser le chemin du croyant en Christ, de celui qui n’aura pas été témoin de la vie du Christ, c’est-à-dire nous tous « heureux celui qui croit sans avoir vu » (Jn 20, 29). Tentons d’en recevoir le mouvement par l’intelligence pour nous y ouvrir ensuite plus largement de tout notre être.
C’est vrai. Un long chemin s’est ainsi ouvert à nous depuis l’octave de Pâque et ses apparitions du Christ Ressuscité. La mort et résurrection du Seigneur conduit ensuite à reconsidérer ce qui a été vécu durant la vie publique du Christ et à s’y ouvrir, cette fois-ci, à la lumière pascale. Cette lumière éclaire le propos pour comprendre ce qui avait été donné en germe, et pour en recevoir la promesse de vie, toujours actuelle, pour nous les croyants d’aujourd’hui.
Et, en ce lundi 8 mai, au commencement de la cinquième semaine du temps pascal, nous est annoncée une nouveauté qui surgit dans le cœur de celui qui a gardé la Parole. La conservation de la parole est signe chez le croyant d’un amour qui se maintient et demeure ouvert. Garder la parole du temps passé, de telle ou telle bribe de l’histoire de Jésus, constitue la première étape de fidélité, d’amour. Une fidélité qui ouvre à la nouveauté.
Car dans cette longue garde, cette parole devient, pour le croyant, un signe-symbole, en ce sens, qu’elle va produire quelque chose en lui, lui laisser porter des fruits, en profondeur. Le premier fruit de cette fidélité, dont nous parle Saint Jean, c’est l’ouverture, pour le croyant, à l’épaisseur de l’action de Jésus, comme obéissance du Père. Le croyant découvre dans sa contemplation que Jésus, le Fils, puisait la raison de son action, durant sa vie terrestre, de sa relation au Père. Nous-mêmes, avec des personnes, aimées et disparues, en revenant sur ce que nous avons vécu avec elles, nous sommes conduits bien souvent à percevoir leurs intentions profondes, leur amour, pas forcément dit ou exprimé, ce qui les habitaient. Il en est de même avec la disparition du Christ : une intention se laisse découvrir et recevoir.
Dès lors, une ouverture plus grande au mystère de Dieu s’opère dans le cœur du croyant. Une relation directe avec le Père s’établit. Une invitation est faite à s’ouvrir, à laisser venir habiter le mystère de Dieu en soi, « nous viendrons vers lui et, chez lui, nous nous ferons une demeure » (Jn 14, 23). Ce mouvement du croyant est rendu possible par l’action de l’Esprit. La Trinité à partir de la vie du Christ, de sa mort et de sa résurrection, se manifeste dans le présent du croyant, le fait entrer au quotidien dans une nouvelle vie. Les jours suivants nous conduiront plus loin, mais un pas après l’autre. Prenons le temps de recevoir cette étape, de la relier à notre propre histoire.
Jean-Luc Fabre, compagnon jésuite