Homélie à l’occasion de la fête de Sainte Thérèse Couderc au Cénacle de Lyon le mardi 26 septembre 2023
Jn 12, 24-26
En ce temps-là Jésus disait à ses disciples : " Amen, amen, je vous le dis : si le grain de blé tombé en terre ne meurt pas, il reste seul ; mais s'il meurt, il donne beaucoup de fruit. Celui qui aime sa vie la perd ; celui qui s'en détache en ce monde la garde pour la vie éternelle. Si quelqu'un veut me servir, qu'il me suive ; et là où je suis, là aussi sera mon serviteur. Si quelqu'un me sert, mon Père l'honorera.
Pour chaque saint qu’elle veut célébrer, l’église choisit un éclat de l’évangile pour caractériser un trait principal de la vie du saint et le relier ainsi à la vie terrestre du Christ. Il en va bien ainsi pour Thérèse. Le fruit de vie qui provient de l’anéantissement offert. « Si le grain meurt, il donne beaucoup de fruit ». C’est bien ce qu’a vécu sœur Thérèse tout au long de son existence, elle qui a fondé les religieuses du Cénacle d’une façon bien paradoxale.
Dès le début, lorsque l’intuition qui allait mener à la congrégation commençait à poindre à Lalouvesc en ne proposant pas qu’un simple accueil aux pélerines mais aussi un chemin spirituel en prenant appui sur les Exercices spirituels de saint Ignace, Thérèse, animatrice de la maison, ne s’impose pas. Elle sera si discrète et si attentive à se faire oublier, que personne ne pensera à la reconnaître comme la véritable fondatrice du 'Cénacle'. Elle sera malgré tout reconnue et recevra la responsabilité de la nouvelle branche des sœurs, non pas celle dédiée à l’éducation chrétienne mais à l’accompagnement spirituel des femmes. Tout cela se poursuivra jusqu’au jour où la responsabilité de la congrégation lui sera brutalement retirée. Elle l’acceptera avec humilité, prise qu’elle était dans le simple désir de vivre selon la volonté de Dieu et en se confiant en tout à Celui qui est la Bonté même. D’autres aléas feront que par la suite, elle sera reconnue par une nouvelle supérieure générale, elle en recevra des missions délicates dont elle s’acquittera avec justesse, avant de mourir dans le dépouillement comme simple sœur ici-même à Lyon. Thérèse se révélera ainsi fondatrice non comme une responsable de congrégation mais comme une simple sœur. Se manifestait ainsi par elle que l’action du Seigneur passe par l’abandon de sa propre volonté pour offrir sa capacité d’existence à l’action de l’Esprit du Seigneur, comme le fit le Seigneur Jésus dans sa vie terrestre jusqu’à son dernier souffle. « Non pas ta volonté, mais la tienne ».
Le chemin de Thérèse est un chemin de vie qui ne peut cesser de nous interroger, nous questionner. La vie n’est pas ce que nous pensons, la vie n’est pas quelque chose que nous possédons mais quelque chose que nous recevons, nous et les autres. Et l’enjeu de toute vie pour grandir encore consiste à savoir renoncer à sa propre vie pour s’ouvrir à la vie plus grande, celle qui vient nous habiter, mais qui habite également les autres êtres qui peuplent l’univers, et qui vit dans le cœur même de Dieu. Vivre ainsi nous ouvre à la Bonté profonde de notre créateur, nous donne de pouvoir nous même être plein de bonté envers nos frères et nos sœurs.
Que sainte Thérèse intervienne en ces jours auprès de Dieu pour bénir le chemin synodal qu’emprunte notre Eglise, pour qu’elle puisse témoigner plus justement de cette vie divine qui ne cesse de se donner à nous tous, et qu’elle puisse donner à encore plus de personnes d’accueillir la Bonne nouvelle de la Résurrection, cette vie offerte et irradiante. Oui, que l’Eglise vive de la vie de Dieu et non de son existence propre, de son activisme.
Que sainte Thérèse intervienne en ces jours auprès de Dieu pour bénir le chemin de chacune et chacun de nous, pour que nous puissions dans nos propres conditions d’existence laisser la vie de Dieu nous rejoindre et nous réconforter. Oui, que chacun envisage avec confiance et abandon la fin de sa propre existence pour recevoir plus pleinement la vie de Dieu en elle, en lui, la Vraie Vie. Amen !
Jean-Luc Fabre, compagnon jésuite