Jardinier de Dieu

Jardinier de Dieu

Pourquoi ce nom ? Un de nos jésuites va vous répondre


Homélie - 5 nov. 2023 - 31e dimanche du temps ordinaire, année A.

Publié par Roland Cazalis, compagnon jésuite sur 4 Novembre 2023, 12:36pm

Catégories : #Homélies, #homelie_cazalis, #homélie_cazalis

Les textes du jour nous livrent quelques points de référence parmi lesquels je retiens :

- Dans la vie de l’église, l’interaction des ministres du Culte avec les fidèles.
- La parole de Dieu doit être reconnue pour ce qu’elle est et non pas une parole d’homme.
- Les ministres doivent être des témoins de la parole.
- La parole de Dieu est une personne, non un texte, même si le texte sert de support à la vision de cette personne.

Par rapport à ces points de repère, nous avons commencé par entendre la diatribe du prophète Malachie contre les prêtres négligents dans leurs fonctions.

Nous sommes dans la période du retour d’exil à Babylone et de grands rois perses, Cyrus, Darius sous le règne de qui se termine la construction du temple, et Xerxès, les trois grands.

Le peuple est revenu par vagues successives sur leur terre d’origine où d’autres gens s’étaient installés comme les Samaritains en particulier.

Malachie est le dernier des 12 petits prophètes et après lui, vers 450 avant notre ère, commence la période dite intertestamentaire durant laquelle il n’y a plus de prophète jusqu’à l’avènement de Jean Baptiste.

Donc, il n’y a plus de prophètes pour donner l’interprétation juste de l’actualité de la parole de Dieu.

Commence donc une période de « famine dans le pays, non pas la disette du pain et la soif de l’eau, mais la faim et la soif d’entendre les paroles de Dieu ». Amos l’avait prédit.

Alors, les prêtres et les Lévites qui officiaient dans le temple devinrent les autorités les plus importantes et s’attribuèrent le droit d’interpréter les Écritures. L’esprit est ardent, mais la chair est faible. La corruption rode. L’office du grand prêtre devient achetable et vendable ; la suite était inévitable.

Des groupes se forment en fonction de leur compréhension des textes sacrés, en fonction de ce qu’ils croient essentiel. L’interprétation des Écritures est donc morcelée comme le peuple.

Les scribes prennent exemple sur Esdras qui avait aidé son peuple à ressentir l’urgence d’apprendre et de suivre la loi.

Les Pharisiens se focalisent sur les lois alimentaires et la pureté rituelle, aspects ancrés principalement dans leurs traditions orales et non dans les textes sacrés.

Les Sadducéens s’en tiennent strictement à la loi de Moïse, tournant le dos aux écrits d’autres prophètes. Ce groupe forme l’élite de la société de Jérusalem. Au moment de la naissance de Jésus, ils contrôlent le temple de Jérusalem.

Les Esséniens enfin croient que les prêtres du temple de Jérusalem sont corrompus. Ils ont une perception aiguë de l’imminence de la venue du Messie dans leur rang pour secouer le joug répressif de Rome dont les dirigeants sont installés en Palestine une soixantaine d’années avant notre ère.

Donc, Malachie adresse sa diatribe visiblement dans une période de refroidissement spirituelle et d’espoirs déçus.

Les prêtres sont visés, mais également tout le peuple qui présente des sacrifices d’animaux ayant des défauts. L’adorateur qui présente un animal avec un défaut et le prêtre qui l’accepte sont tous deux coupables ; les deux méprisent Dieu.

Même les sacrifices d’Action de grâce sont revus à la baisse. Ainsi, après avoir promis un sacrifice si Dieu intervenait en leur faveur, certains israélites revenaient sur leurs serments en offrant des animaux en mauvais état suite à l’exaucement leurs prières. L’idée est simple : respectez-vous ! Respectez Dieu.

Malachie appelle Israël à une vraie adoration, dans le respect de soi-même et de Dieu.

Voilà donc le contexte.

Nous avons la même diatribe dans l’évangile de Mathieu aux ministres du judaïsme de l’époque pour des raisons différentes. En arrière-fond, il y a la différence d’interprétation des textes sacrés entre le judaïsme de l’époque et la communauté mathéenne.

Est-ce que l’interprétation des textes sacrés est affectée si l’on en reste à la Loi de Moïse ou si l’on soutient que la Loi de Moïse et l’enseignement des prophètes débouchent sur le Christ ?

Oui, cela fait une différence.

Suivre le Christ n’abolit pas la Loi de Moïse, mais en ouvre au sens profond.

Nous savons maintenant que la parole de Dieu est une personne, avec qui l’on a établi une relation. Une personne qui a un visage comme le nôtre et un nom. Une personne avec laquelle nous pouvons nous identifier. Une personne avec laquelle nous pouvons grandir. Là, nous entrons dans une autre dimension.

Nous ne pouvons plus dire « à nous le texte ! » chacun selon son point de vue. Les personnes ne se traitent pas ainsi. Les personnes se rencontrent. La rencontre est la grâce même.

En outre, ce chemin nous est plus naturel. Ainsi, chacun peut connaître ou rencontrer Dieu comme un Moïse l’a connu, ou comme un Élie l’a connu, avec le même niveau d’intimité.

Tout ce que le Christ de Mathieu reproche aux scribes et aux pharisiens, nous pourrions l’adresser aux ministres d’une certaine époque de l’Église en matière de fardeau imposé aux fidèles, des fardeaux qui accablaient les gens et les maintenaient dans la culpabilité.

Il y a là comme une pathologie qui est propre aux ministres qui se dispensent de pratiquer ce qu’ils prêchent ; cette dérive doit susciter notre vigilance.

Paul était très alerté sur ce sujet et l’a exprimé de manière très claire.

S’adressant aux disciples, le Christ leur dit, ‘mais vous, ne tombez pas dans ce piège. Devenez et restez des disciples’.

La chose est dite de diverses façons. ‘Restez en tenue de service, gardez vos lampes allumées. Si le maître vient sur le tard et vous trouve en habit de service, heureux êtes-vous, car lui aussi sera en tenue de service. Il vous fera asseoir et vous servira ; il prendra son repas avec vous et vous avec lui’.

Mais s’il vous trouve en train de parader dans la ville, ou sur les parvis de l’église, en habit de lumière, comme si vous étiez dans une arène avec un taureau, en plus d’être ridicule, vous signifiez que vous l’avez oublié et oublié votre raison d’être.

Il termine en rappelant une loi de la vie. Celui qui s’élève pour lui seul finira par tomber. Celui qui marche dans la vérité finira par être reconnu comme tel.

Roland Cazalis, compagnon jésuite

Ml 1, 14b – 2, 2b.8-10 ; Ps 130 (131), 1, 2, 3 ; 1 Th 2, 7b-9.13 ; Mt 23, 1-12

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