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Le chemin c'est un monde changeant et fragile même. Les saisons, les années passent, les chemins peuvent se modifier, des options d'autres passages peuvent apparaître. Il arrive que des balises s'effacent avec le temps ou s'évaporent si par mégarde elles sont parties avec les poteaux électriques qui les portaient, comme dans ce petit pays basque qui installe l'électrification souterraine.
Le monde éphémère c'est aussi pour le pèlerin, le fait qu'aujourd'hui il fait beau et chaud, que peut-être demain il pleuvra et qu'après demain, qui sait s'il neigera ?
Aujourd'hui je me sens fatigué, demain je serai en pleine forme. Le Chemin se fait apprentissage du vivre au présent.
Cependant, au milieu les intempéries ou dans la rudesse des champs désertiques, il y a toujours au coin d'une grange, une table esseulée où sont posés le thermos de café, la bouteille d'eau, la corbeille de fruits ou le plateau de gâteau avec le petit mot d’accueil et la petite boite en fer pour mettre ce que l'on veut, ce que l'on peut.
Le chemin c'est la permanence de certaines haltes historiques, celles qui sont tenues par de grandes figures du chemin, il y a aussi celles qui changent d'années en années, avec d'autres accueillants, elles se transforment, changent de main, disparaissent, se vendent ou peuvent renaître.
Rien n'assure que les choses perdurent. C'est un certain reflet de la vie qui bouge.
La trace est là depuis des siècles, dans la boue, l'herbe ou les cailloux, elle est là aussi dans le cœur des hommes, monde parallèle de silhouettes discrètes et intemporelles. Toutes ces empreintes, pas à pas, convergent comme des ruisseaux vers le même point d'horizon.
L'histoire et les histoires restent, elles prolongent leur sillage à chaque passage du marcheur, à chaque texte écrit, à chaque prière confiée au pied des nombreuses stèles, calvaires, à chaque chant entonné dans la pénombre d'une église.
Le mythe du pèlerin persiste, cet élan souvent inexpliqué qui pousse à aller au-delà, cette aspiration vers une forme de communion. Chaque humanité a une image de son propre chemin; qu’il soit fait, en projet ou en rêve dans son imaginaire ! Des milliers de personnes viennent du monde entier chaque année pour répondre à cet appel. Rien ne paraît pouvoir effacer cette continuité pour perpétuer cette tradition.
Geneviève R.