Le cardinal Laurent Monsengwo Pasinya, archevêque de Kinshasa (République Démocratique du Congo), prédicateur pour la retraite de carême de la Curie Romaine (26 février-3 mars), en présence du St Père Benoit XVI, a raconté l' histoire de son ami qui était dans le coma. Cet ami avait l'impression de se trouver « dans un tunnel obscur », mais il « voyait un peu de lumière » au bout du tunnel, et « entendait une belle musique ». En profitant de cette histoire, nous vous proposons le témoignage du médecin, Dr Adetokunbo O. Lucas qui a dirigé le Programme spécial de recherche et de formation sur les maladies tropicales de l’Organisation mondiale de la santé/Banque mondiale/UNICEF/Programme des Nations Unies pour le développement de 1976 à 1986. Comment ce médecin peut-il voir la lumière au bout du tunnel ?
Éliminer la menace que représentent les maladies tropicales négligées
Bien que la majorité du monde n’ait jamais entendu parler de la filariose lymphatique ou la schistosomiase, ces infections, comme
d’autres maladies tropicales négligées (MTN), constituent une réalité tangible pour beaucoup de personnes en Afrique ou dans le reste du monde.
Plus d’un milliard de personnes souffrent de ces maux épouvantables qui handicapent et défigurent leurs victimes ou les rendent
aveugles. Elles empêchent aussi les communautés les plus démunies d’échapper à la pauvreté.
Pendant des décennies, je me suis efforcé de combattre ces maux en tant que médecin et en tant que cadre à l’Organisation mondiale de
la santé. J’ai eu la chance d’être témoin de la volonté croissante de la communauté internationale de collaborer pour arriver à contrôler les MTN.
Mais d’importantes lacunes demeurent. Nous avons besoin d’améliorer les traitements pour certaines de ces maladies, d’en découvrir
pour d’autres et de trouver des moyens plus efficaces de faire parvenir les médicaments existants à ceux qui en ont besoin.
Il existe à présent une raison supplémentaire d’espérer être bientôt débarrassés de ces maladies. Cette semaine, à Londres, des
organisations sanitaires internationales, des donateurs bilatéraux, des firmes pharmaceutiques, des fondations privées et des représentants de pays d’endémie se sont réunis pour définir tous
ensemble une réponse robuste à ces défis. Ils ont lancé la plus importante initiative coordonnée dans l’histoire de la lutte contre les MTN.
Ensemble, ces organisations ont créé une réelle opportunité d’aider des centaines de millions de gens souffrant de ces terrible
maladies à devenir autonomes. Il s’agit là d’un partenariat novateur qui modifie notre approche des problèmes de santé mondiale et qui multipliera l’impact des programmes MTN actuels tout en
tirant profit des progrès extraordinaires qui ont déjà été faits.
Pendant des dizaines d’années, les partenariats conjuguant les ressources d’organismes des secteurs public et privé ont offert une
alternative viable aux recherches et investissements historiquement limités des firmes pharmaceutiques commerciales. Toute une série d’outils a, par exemple, pu être créée pour combattre la
cécité des rivières, la filariose lymphatique, la lèpre, la maladie du sommeil etc. grâce à une collaboration entre l’industrie pharmaceutique et le Programme de recherche sur les maladies
tropicales de l’OMS.
Les mesures coordonnées annoncées cette semaine permettront de passer à la vitesse supérieure. Les partenaires se sont tous engagés à
accroître le stock de médicaments existants et à investir collectivement dans la recherche pour accélérer le développement de meilleurs remèdes. De plus, les organisations sanitaires mondiales
apporteront les fonds indispensables pour renforcer et améliorer les systèmes de distribution, afin que les traitements parviennent bien à ceux qui en ont besoin. Les partenaires ont signé la «
Déclaration de Londres sur les maladies tropicales négligées », où ils s’engagent à accroître leur collaboration pour combattre les MTN.
Continuant la tradition de « pharmaco-philanthropie » érigée par d’anciens partenariats public-privé pour les MTN, un certain nombre
de compagnies se sont engagées à fournir autant de médicaments que nécessaire pour protéger les populations de ces maladies. Ainsi, beaucoup d’entre elles vont poursuivre leur programme de dons
jusqu’à la fin de la présente décennie et elles fourniront en moyenne un total de 1,4 milliard de traitements par an. En cela, elles suivent l’exemple de programmes de dons de médicaments comme
celui de Merck & Cie qui, en 1986, avait pris l’engagement historique de donner son médicament contre la cécité des rivières « autant que nécessaire et aussi longtemps qu’il le faudrait » ou
d’autres qui ont réussi à réduire l’incidence de la lèpre, de la cécité des rivières et d’autres maladies.
Des partenariats aussi novateurs que celui-ci (qui conjugue les ressources d’acteurs du secteur privé et de programmes sanitaires du
secteur public, de certains États et d’organismes d’assistance) permettront de faire d’immenses progrès dans la lutte contre ces maladies, là où les initiatives individuelles ou les partenariats
bilatéraux ne suffisent plus.
Pour que ces engagements aient un réel impact sur la santé publique, il est essentiel que les pays où les MTN sont endémiques, comme
le Cameroun, s’assurent que les médicaments nouvellement disponibles parviennent bien à ceux qui en ont besoin. Ces pays devraient aussi adopter de façon prioritaire des programmes MTN intégrés
et innovants qui s’attaquent à plusieurs problèmes sanitaires à la fois.
Le Cameroun et d’autres pays peuvent tirer profit des leçons apprises lors de la mise en œuvre du programme de dons Mectizan. Lorsque
le Traitement à l'Ivermectine sous directives communautaires (TIDC), un programme novateur et efficace, a remplacé les méthodes traditionnelles dispensées par des agents sanitaires, plus de 140
000 communautés ont reçu les compétences nécessaires pour assumer la responsabilité de recueillir et distribuer le médicament à des millions de gens chaque année. Cette approche communautaire est
appliquée à présent à la distribution de moustiquaires, de vitamine A et d’autres pratiques sanitaires.
J’ai passé des dizaines d’années à me battre contre les maladies tropicales négligées. À 80 ans, j’espère encore voir le jour où ces
maladies négligées cesseront d’être un fléau pour les communautés pauvres d’Afrique et d’ailleurs.
Avec ce nouveau partenariat innovant, je vois la lumière au bout du tunnel.
Dr Adetokunbo O. Lucas
http://www.quotidienlejour.com/double-page-/opinion-/8884-une-lumiere-au-bout-du-tunnel-
photo: http://www.radio-canada.ca/radio/vousetesici/images/photos/081113_lumiere%20au%20bout%20du%20tunnel.jpg