Jardinier de Dieu

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Pourquoi ce nom ? Un de nos jésuites va vous répondre


Lc 6, 36-38 Ne jugez pas ...

Publié par Jardinier de Dieu sur 17 Mars 2019, 19:49pm

Catégories : #2011- 2013 pistes de réflexion Jardinier

Lundi  (2ème semaine du temps de Carême C)

Évangile de Jésus-Christ selon saint Luc 6,36-38.

En ce temps-là, Jésus disait à ses disciples : « Soyez miséricordieux comme votre Père est miséricordieux.
Ne jugez pas, et vous ne serez pas jugés ; ne condamnez pas, et vous ne serez pas condamnés. Pardonnez, et vous serez pardonnés.
Donnez, et l’on vous donnera : c’est une mesure bien pleine, tassée, secouée, débordante, qui sera versée dans le pan de votre vêtement ; car la mesure dont vous vous servez pour les autres servira de mesure aussi pour vous. »

[...]Il y a un domaine important à travailler : celui des jugements réciproques. Saint Paul écrivait aux Romains : « Mais toi, pourquoi juges ton frère ? Et toi, pourquoi méprises ton frère ?... Finissons-en donc avec ces jugements les uns sur les autres » (Rm 14, 10.13). Avant lui, Jésus avait dit : « Ne pas juger, afin de n'être pas jugés (...) Qu'as-tu à regarder la paille qui est dans l'oeil de ton frère ? Et la poutre qui est dans ton oeil à toi, tu ne la remarques pas ! » (Mt 7, 1-3). Il compare le péché du prochain (le péché jugé), quel qu'il soit, à de la paille, et celui de qui juge (le péché de juger) à une poutre. La poutre est le fait même de juger, tellement il est grave aux yeux de Dieu.

Le discours sur le jugement est certes délicat et complexe et il manquera de réalisme s'il n'est pas mené jusqu'au bout. Comment fait-on, en effet à vivre sans jamais juger ? Le jugement est implicite en nous, même dans un regard. On ne peut pas observer, écouter, vivre, sans donner des appréciations, c'est-à-dire sans juger. Un parent, un supérieur, un confesseur, un juge, quiconque a une responsabilité sur les autres, doit juger. […]

En effet, ce n'est pas tant le jugement que nous devons ôter de notre coeur, mais le venin qui vient de notre jugement ! C'est-à-dire la rancune, la condamnation. Dans l'Evangile de Luc, le commandement de Jésus : « Ne jugez pas et vous ne serez pas jugés » est immédiatement suivi, comme pour expliquer le sens de ces paroles, par le commandement : « ne condamnez pas et vous ne serez pas condamnés » (Lc 6, 37). En soi, l'action de juger est neutre, le jugement peut se terminer aussi bien par une condamnation que par une absolution ou une justification. Ce sont les jugements négatifs qui sont repris et bannis de la parole de Dieu, ceux qui condamnent le pécheur en même temps que le péché, ceux qui visent davantage la punition que la correction du frère.

Il y a un autre point qui qualifie la charité sincère : l'estime. « Que l'amour fraternel vous lie d'affection entre vous » (Rm 12, 10). Pour estimer son frère, il ne faut pas s'estimer trop soi-même, il ne faut pas être toujours sûr de soi ; il ne faut pas « se surestimer », dit l'Apôtre (Rm 12, 3). Celui qui se surestime est comme un homme qui, la nuit, a devant les yeux une source de lumière intense : il ne voit rien au-delà de cette lumière ; il ne parvient pas à voir les lumières de ses frères, leurs mérites et leurs valeurs.

« Minimiser » doit devenir notre verbe préféré dans les relations avec les autres : minimiser nos mérites et les défauts des autres. En revanche - chose diamétralement opposée - ne pas minimiser nos défauts et les mérites des autres, comme nous avons souvent tendance à le faire. Il y a une fable d'Esope à ce sujet, adaptée par La Fontaine, qui dit :

On se voit d'un autre œil qu'on ne voit son prochain.
Le Fabricateur souverain
Nous créa Besaciers tous de même manière,
Tant ceux du temps passé que du temps d'aujourd'hui :
Il fit pour nos défauts la poche de derrière,
Et celle de devant pour les défauts d'autrui

(fable de Jean de La Fontaine)

Il faudra tout simplement inverser les choses : mettre nos défauts dans la besace que nous avons devant et les défauts des autres dans celle de derrière. Saint Jacques avertit : « Ne médisez pas les uns des autres » (Jc 4, 11). On ne parle plus maintenant de commérages, on parle de gossip (mot en anglais signifiant commérage), et on dirait que c'est devenu une chose innocente, alors qu'en réalité il s'agit de l'une des choses qui empoisonnent le plus la vie commune. Il ne suffit pas de ne pas dire du mal des autres ; il faut aussi empêcher que les autres le fassent en notre présence, leur faire comprendre, même sans rien dire, qu'on n'est pas d'accord. L'ambiance d'un lieu de travail ou d'une communauté est tellement différente quand on prend au sérieux l'avertissement de saint Jacques ! Dans beaucoup de lieux publics, à une certaine époque il était écrit : « Interdiction de fumer » ou même « Interdiction de blasphémer ». Ce ne serait pas mal de le remplacer, dans certains cas, par « Commérages interdits ».

Ecoutons pour terminer, comme si elle nous était adressée, l'exhortation de l'Apôtre Paul à la communauté des Philippiens qu'il aimait tant : « Mettez le comble à ma joie par l'accord de vos sentiments : ayez le même amour, une seule âme, un seul sentiment ; n'accordez rien à l'esprit de parti, rien à la vaine gloire, mais que chacun par l'humilité estime les autres supérieurs à soi ; ne recherchez pas chacun vos propres intérêts, mais plutôt que chacun songe à ceux des autres. Ayez entre vous les mêmes sentiments qui sont dans le Christ Jésus » (Ph 2, 2-5).

Extrait de 3e prédication de carême 2011 par le P. Raniero Cantalamessa, Traduit de l'italien par Zenit
http://www.zenit.org/article-27557?l=french

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