Nous avons tous connu ces moments où nous nous mettons en route, parce que nous avons perçu un appel et nous faisons ce qu’il faut pour qu’il puisse devenir réel, un jour. Nous sommes dans un « déjà là » parce que nous marchons vers la promesse et un « pas encore » parce que la promesse n’est pas encore mise en œuvre concrètement. Mais nous nous sommes décidés et nous avançons… C’est le moment où un projet s’est formé en mon esprit et où je pose les premières pierres pour pouvoir le mettre en œuvre. Par exemple, je désire exercer tel nouveau métier et je commence à suivre une formation en ce sens, il y a alors dans tout ce que j’apprends, déjà, la promesse du goût du métier futur. Autre exemple, je veux changer de lieu de vie et j’entreprends des démarches pour le faire, déjà je quitte mon lieu présent et je m’imagine dans le nouveau cadre. Il y a encore la fois où je me sens attirer par une personne et je me débrouille pour pouvoir faire partie de son cercle de relations. Dans le nouveau réseau où j’entre, je pressens déjà dans les rencontres vécues, les moments que je pourrai échanger avec elle… C’est ce type de moment que nous sommes appelés à revivre au cœur du temps pascal, ce moment où le disciple s’ouvre à la promesse plus grande et où il est déjà pleinement heureux de simplement être en route et en attente vers le bonheur plus grand à venir.
Dimanche dernier, au bord du lac, le Seigneur ressuscité est apparu à ses disciples, il s’est manifesté dans sa vie en plénitude, lui, le Christ mort et ressuscité. Il a fait retentir, une nouvelle fois, son appel en disant à Pierre une fois encore « toi, suis-moi ». Mais c’est un appel qui nous vient cette fois d’au-delà de sa mort traversée, un appel solide comme un roc, un appel définitif, un appel entier et dont la réponse peut elle aussi être définitive et, pour cela, accepte de prendre le temps, d’être ouverte, heureusement, à tous les aléas, même les plus douloureux. Nous nous mettons alors à avancer tout autrement. Nous sommes déjà dans cette nouvelle vie, même si nous continuons à être en chemin. Et nous comprenons bien que l’Eglise nous propose de formuler cette demande aujourd’hui « Dieu éternel et tout puissant, guide-nous jusqu'au bonheur du ciel ; que le troupeau parvienne, malgré sa faiblesse, là où son Pasteur est entré victorieux. »
Alors peut-être avons-nous surtout à réaliser aujourd’hui que, dans ce deuxième appel, la vie vers laquelle nous marchons, ce n’est pas une vie actuelle plus pleine, plus riche, plus dense, où le bonheur tiendrait à un accomplissement du possible immédiat. Non, c’est la vie éternelle à laquelle nous nous ouvrons ! Non pas celle qui serait cachée au-delà de notre mort terrestre, mais la vie totale, déjà active aujourd’hui comme depuis toujours, vie en plénitude, vie donnée, que je ne peux pas saisir pleinement mais à laquelle je peux m’ouvrir, à laquelle je peux participer. Alors toutes mes actions prennent une nouvelle saveur. Je ne suis pas seul. En tout je suis en relation avec le Seigneur. J’écoute sa voix et je ne cesse d’entrer dans la vie éternelle avec lui. Je vis, en ce jour, avec lui et lui avec moi. Je laisse l’amour aimer en moi ! Le Royaume advient tout simplement ! Amen !
Jean-Luc Fabre, compagnon jésuite
Ac 13, 14.43-52 ; Ps 99 (100), 1-2, 3, 5 ; Ap 7, 9.14b-17 ; Jn 10, 27-30