3e dimanche du temps ordinaire, année B - 21 février 2018
Jon 3, 1-5.10 ; Ps [24 (25), 4-5ab, 6-7bc, 8-9] ; 1 Co 7, 29-31 ; Mc 1, 14-20
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Nous avons ce dimanche trois textes qui nous présentent trois notions différentes du temps.
Le temps de Ninive touchera à son terme si les habitants de Ninive ne changent pas, c’est-à-dire que Ninive va disparaitre un peu à la manière de Pompéi.
Apparemment, la prédication de Jonas est efficace, car il ne parcourt qu’un tiers de la ville, et c’est suffisant pour que les ninivites réagissent dans le sens de la conservation de leur ville.
Le temps chez Paul dans la lettre qu’il adresse aux Corinthiens est le temps de l’existence. Bien sûr, ce temps est limité, c’est pourquoi il faut l’utiliser à bon escient. Il faut l’utiliser pour exercer son fond, pour revenir à soi. Il ne faut pas l’utiliser en vain.
« Les temps sont accomplis », dit Jésus.
Comme l’a souligné un théologien allemand, cela signifie que la fin de l’histoire a lieu ; en réalité, elle aura lieu avec la mort et résurrection du Christ.
En tout vas, c’est la fin d’une époque, car la création dispose maintenant de tous les éléments nécessaires à son accomplissement. Autrement dit, c’est le début d’une nouvelle époque, celle qu’on appelle « le Royaume » ou le temps de l’Esprit.
La conversion que demande le Christ n’est donc pas celle demandée aux ninivites, ni même celle que demande Jean le baptiste.
Jésus utilise la phrase de Jean Baptiste : « convertissez-vous, car le royaume de Dieu est proche ». Néanmoins, le sens est totalement différent.
Jean-Baptiste le signifiait déjà de manière prémonitoire : je vous baptise dans l’eau, mais lui vous baptisera dans l’Esprit.
Ce n’est pas seulement la conversion qui consiste à retourner à Dieu ou à pratiquer la Loi.
Il s’agit d’une révolution mentale sans précédent, car le temps de l’Esprit est le temps de la foi, dimension sur laquelle est fondé le christianisme.
L’Incarnation signifie que Dieu surgit de nos tréfonds, quand nous le lui permettons. Cela correspond à notre kénose à nous, « permettre Dieu » dit maître Eckhart, consentir à ce que Dieu se manifeste en nous, consentir qu’il se fasse chair afin que nous devenions logos.
Ainsi, il ne faut plus s’attendre à ce que Dieu brandisse la menace comme pour les ninivites. Il ne faut plus espérer que Dieu nous demande de nous soumettre à ses lois. Il ne faut plus compter sur une quelconque demande de sacrifice ou d’holocauste d’aucune bête, ni de nous-mêmes, ni des autres, car ces pratiques sont désormais nulles, car nous savons maintenant!
La seule alternative est ce que Dieu pratique lui-même, c’est-à-dire « consentir à ». « Si tu veux, alors… ».
C’est un appel à la vie, il ne peut pas en être autrement.
Il a appelé des apôtres. Judas est venu, mais est reparti dans son cœur bien avant même ladite trahison. Il a appelé le jeune homme riche, qui n’est pas venu. Ceux qui au Vatican sont devenus des mafieux ou des impies et dont la seule vue du pape actuel leur fait horreur, sont aussi repartis dans leur cœur.
Nous connaissons bien le discours de l’impie dans le livre de la sagesse : il n’y a rien de nouveau sous le soleil.
Donc, l’appel à la vie ne donne pas des résultats automatiques.
On comprend qu’il est plus conventionnel d’en rester au changement de conduite, ce qui est déjà assez exigeant en soi. Mais le changement de conduite est un éternel recommencement.
C’est pourquoi nous sommes invités à aller plus loin, à enter dans la dynamique du christianisme, une dynamique régie inter alia par le couple kénose/habitation.
Consentir (kénose) à ce que Dieu fasse de moi sa demeure (habitation) ; à partir de là, cette révolution nous libère du ceci et du cela.
À partir de là, ce que nous allons dire de Dieu vient de nos tréfonds. La dynamique kénose/habitation génère une éthique. Cela n’a rien à voir avec le changement de conduite à la force des poignets qui est un projet impossible à tenir sur le long terme.
C’est la dynamique kénose/habitation qui opère en moi la conversion.
Remarquons que pour permettre à Dieu, il faut qu’il représente la vie, un supplément de vie, une vie à laquelle j’aspire. Il faut aussi que j’évalue ce à quoi j’aspire, est-ce que cela fait partie du monde de la vie.
Ceci étant, nous n’allons pas ouvrir notre porte à ce qui représente la restriction de la vie ou la mort !
Donc, l’image que nous avons de Dieu est très importante et la restauration de l’image de Dieu qu’opère le Christ est tout à fait fondamentale et salutaire.
Une image trop dégradée de Dieu par rapport à l’état de notre intériorité peut nous révulser, et c’est un réflexe de bonne santé spirituelle.
« Convertissez-vous, car le royaume de Dieu est proche ». Nous sommes dans le temps du Royaume et l’Église doit encore y entrer plus avant et cesser de regarder en arrière et se laisser actualiser par la dynamique kénose/habitation.
Voilà la grâce que nous demandons aujourd’hui.
Amen.
Père Roland Cazalis
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