Quel est le rapport entre la femme dont nous décrit le scribe du livre des Proverbes et la version matthéennede la parabole des talents ? Remarquons que dans la version lucanienne de la parabole (Luc 19 : 11-28) l’homme de haute naissance a aussi quelque chose d’important à faire, à avoir, recevoir l’autorité royale. Voilà pourquoi il doit quitter son domaine et ses biens de naissance et se mettre en route.
En portant notre attention sur la femme dont parle le scribe, nous parvenons à une certaine interprétation de la parabole.
Une femme parfaite ! En quoi consiste cette perfection ? Nonobstant, le scribe nous invite à la recherche de cet être d’exception.
La recherche finit par nous faire comprendre que le talent, c’est nous-mêmes. C’est chacun tel qu’il est ou tel qu’il se reçoit.
Nous ne sommes pas les mêmes. L’humanité n’est pas un ensemble de clones du même. Si nous succombons à la tentation de la comparaison, alors nous resterons au point de départ, au commencement. Or, ce n’est pas le point de vue de la parabole. Au contraire, elle considère le processus, le chemin parcouru avec le don reçu, l’accomplissement, la mise en route pour « recevoir l’autorité royale ».
Le don reçu au commencement comme une fin en soi est une vision encore assez ‘aristocratique’ en termes de logique mondaine. Voilà pourquoi la parabole qui considère le processus ou le chemin parcouru est assez en phase avec la démocratie moderne. Le philosophe Emmanuel Kant a très bien saisi la portée politique de cette parabole.
En d’autres termes, si la naissance est sous le signe de l’inégalité, le processus rétablit l’équité ; celle-ci dépend de chacun et des conditions qui sont les siennes.
La logique mondaine ne sait pas se projeter dans un processus. Elle aime le statu quo.
Souvent, quand un jeune est issu d’un milieu dit défavorisé, le réflexe des conseillers d’orientation est de l’encourager vers les formations et débouchés techniques qui, semble-t-il, requièrent moins de capacité cognitive. Or, il n’y a aucun rapport entre le milieu d’origine et les capacités cognitives. L’intelligence est également répartie sur toute la planète et ne fait pas de différence entre les groupes sociaux. La différence se situe au niveau du processus.
Le réflexe d’enfermer l’individu dans son milieu d’origine est une logique encore assez ‘aristocratique’ qui désire que le monde reste immobile, que la fin corresponde au commencement, que les différences sociales soient sauvegardées.
Pas de processus donc. Or, la vie est mouvement et ne peut rester captive des filets ‘aristocratiques’.
Le scribe nous dit d’ailleurs que « le charme est trompeur et la beauté s’évanouit ». On ne pourra pas se prévaloir des biens de naissance qui n’auraient pas été investis dans le processus, car ils seront inévitablement perdus.
Pour donner toute sa valeur au processus, il nous faut une référence. Cette dernière nous dit qu’à celui qui a beaucoup reçu (au commencement), il lui sera beaucoup exigé (dans et à la fin du processus).
Le véritable talent est bien entendu nous-même en tant que personne. Le don de la vie est le talent à faire fructifier, à déployer comme se déploie le royaume des cieux.
De la sorte, notre vie devient un composant du royaume. Voilà encore une indication sur la référence nous permettant d’orienter notre vie. Cette référence ne sera pas du goût de tout le monde, mais dans l’Église, c’est la nôtre. En la suivant, nous comptons recevoir l’autorité royale.
Il ne nous reste plus qu’à trouver le lien entre la femme parfaite et l’autorité royale ou la femme royale et l’autorité parfaite.