Le calendrier liturgique nous offre deux fêtes de saint Jean-Baptiste. Le 24 juin, nous célébrons sa naissance et aujourd’hui nous célébrons son martyre.
Jean-Baptiste se trouve au point de jonction de deux traditions, de deux lignées de prophètes. Tout au long de l’Ancien Testament, Dieu se choisit des personnes pour remplir des rôles au sein du Peuple. Il lui a d’abord donné des Juges pour le guider, après Moïse, ainsi que des prêtres. Puis, à la demande du peuple, il lui a donné des rois et il lui a finalement envoyé des prophètes, comme Isaïe, qu’il a choisis dès avant leur naissance, lorsqu’ils étaient encore dans le sein maternel. De même Jean fut choisi pour servir de précurseur au Messie.
Quand Jésus apparaît, au sein du peuple d’Israël, il ne se situe ni dans la lignée des rois, ni dans celle des prêtres mais dans celle des prophètes. Depuis ce moment, c’est lui le seul et l’unique prophète. Tous les baptisés, de par même leur baptême, participent à cette mission prophétique de Jésus, et doivent donc être prêts à donner leur vie, si nécessaire, comme l’a fait Jean.
Il arrive qu’on nous invite à savoir reconnaître les « prophètes » de notre temps. Il y a là, je crois, une grande ambigüité. C’est comme si on nous invitait à retourner à l’économie de l’Ancien Testament. Il n’y a désormais qu’un seul Prophète, le Christ ; et, en général, les personnes qui prétendent avoir une mission prophétique sont des personnes dangereuses. Il n’y a qu’un seul Prophète, le Christ, et tous nous participons de sa mission prophétique. En réalité c’est l’Église, dans son ensemble qui poursuit la mission prophétique de Jésus.
Par ailleurs, au sein de l’Église, le nouveau Peuple de Dieu, il y a divers ministères, divers services, diverses fonctions à remplir. Cela est d’un autre ordre.
Dans l’Ancien Testament, les grands prophètes apparaissaient lorsque la vie du Peuple ne correspondait plus à la volonté divine. À travers leur vie encore plus qu’à travers leurs paroles, ils s’établissaient dans la contestation par rapport à l’ordre (ou au désordre) établi. Leur vie servait de grille de lecture pour toutes les personnes du peuple.
La Vie de Jésus fut une contestation continuelle de l’ordre religieux et politique corrompu établi en Israël par la tradition des Grands Prêtres, des scribes et des Pharisiens.
De nos jours, lorsque l’idéal de communion et de fraternité universelle annoncé par Jésus est de plus en plus battu en brèche par un ordre mondial qui crée toujours plus d’injustice et de laissés pour compte, essayer d’identifier dans notre monde ou notre Église des « prophètes » à admirer… sans d’ailleurs nous laisser trop interpeller par eux, pourrait bien être une voie de facilité et une démission devant nos obligations. Lorsque certaines personnes incarnent d’une façon particulièrement visible le message du Christ, sachons nous laisser interpeller par elles ou par eux, mais n’oublions pas que nous avons tous, sans exception, l’obligation de réaliser en nos vies la même mission prophétique du Christ. Et au besoin en payer le prix, comme l’a fait Jean-Baptiste.
Armand Veilleux – Abbé de « Abbaye Notre-Dame de Scourmont » :
https://www.scourmont.be/publications/pages-de-dom-armand-veilleux/homelies-de-dom-armand-veilleux/4736-homelie-pour-la-fete-du-martyre-de-jean-baptiste-29-aout-2024.html