Jardinier de Dieu

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Pourquoi ce nom ? Un de nos jésuites va vous répondre


Naaman le lépreux ou des dix lépreux de l’évangile

Publié par Roland Cazalis, compagnon jésuite sur 12 Octobre 2019, 21:24pm

Catégories : #homelie_cazalis

Les récits de Naaman et l’évangile nous offrent deux scènes très visuelles et très fortes.
 
Il faut se rappeler le début du récit de Naaman, ce général de l’armée syrienne, et plus en amont encore, celui de la jeune fille israélite kidnappée par un groupe de pillards syriens, devenue la servante de la femme de Naaman.
 
Cette jeune fille a des aspects de la figure de Joseph, vendu par ses frères, et qui devient la pierre d’angle, celui par qui le salut arrive.
 
Qu’il s’agisse de Naaman le lépreux ou des dix lépreux de l’évangile, ces hommes demandent quelque chose pour eux-mêmes, quelque chose pour leur propre chair, à savoir, se défaire de cette affection qui est une double peine.
 
Il faut voir, pour Naaman, toutes les péripéties qui l’amènent à retrouver la santé, toutes les acrobaties de l’histoire pour que cela se réalise.
 
Si l’on devait procéder rationnellement, jamais Naaman n’aurait retrouvé la santé, car elle advient par la conjonction d’un ensemble d’événements improbables.
 
Voilà la différence entre ceux qui se fient seulement au raisonnable, pour obtenir quelque chose qui leur est vital, et ceux qui désirent la même chose et croient qu’il est possible de l’obtenir, mais sans savoir comment cela se fera.
 
Alors Naaman, comme les lépreux désirent et demandent quelque chose, la santé !
 
En réponse, Élisée ou le Christ leur demande de faire quelque chose un peu décalé par rapport à leur demande pour recouvrer leur intégrité et leur dignité.
 
Nous n’avons pas les états d’âme des dix hommes de l’évangile à la suite de l’injonction du Christ d’aller se montrer aux prêtres. On dirait qu’ils s’exécutent promptement.
 
En revanche, nous avons la réaction de Naaman, quand un serviteur d’Élisée lui transmet le message de son maître, d’aller se plonger sept fois dans le Jourdain.
 
Naaman est à la fois outré et déçu. Il y a de quoi.
 
Depuis quand se plonger dans un fleuve vous guérit-il de la lèpre ? C’est le retour de la rationalité. Et Naaman, a priori, raisonne comme il faut.
 
En outre, fleuve pour fleuve, si l’on veut trouver un fleuve propre, il vaut mieux aller en Syrie. Un peu de nationalisme au passage pour montrer que nous sommes aussi sur le terrain politique qui ne déplait guère à Élisée.
 
Mais, les serviteurs de Naaman qui lui disent - je vais directement au but, - ce n’est pas l’eau du Jourdain, c’est à la parole du prophète Élisée qu’il faut se fier.
 
 
Naaman, lui le général, se remet à la sagesse de ses serviteurs, et se plonge sept fois dans les eaux du Jourdain.
 
Jésus marque son étonnement, et probablement sa tristesse, en voyant revenir qu’un seul des dix.
 
Ce n’est pas une demande de reconnaissance que réclame le Christ.
 
Ce n’est pas quelqu’un qui est outré par un manque de politesse avéré.
 
Ce qui est pointé ici, c’est le fait de se rendre compte de ce qui vous arrive, c.-à-d., le sens profond de l’événement, sa valeur en termes de révélation.
 
Or, c’est précisément l’expérience que fait Naaman.
 
Il comprend de lui-même, c.-à-d. dans sa chair, que le Dieu d’Israël est ; et que les autres dieux de la contrée ne sont pas.
 
Voilà le sens profond de sa guérison.
 
C’est seulement ainsi que l’on comprend les choses essentielles, quand les événements impactent notre chair et nous ouvrent l’esprit, comme Jésus a ouvert l’esprit des pèlerins d’Emmaüs aux Écritures, après avoir été impactés par la Passion et la mort du Nazaréen.
 
Probablement, les neuf autres ex-lépreux n’ont pas compris le sens profond de ce qui leur est arrivé. Oui, ils ont été débarrassés de la double peine qu’est la lèpre. C’est l’évidence.
 
Mais si la compréhension de l’événement s’arrête à ce constat seulement, alors c’est dommage, et c’est même un peu triste.
 
Le règne de Dieu s’est manifesté pour eux et en eux ; l’un d’entre eux au moins s’en est rendu compte.
 
Nous sommes plus attentifs quand ce qui nous arrive est dans le registre négatif. Cela nous amène parfois à prendre des décisions erronées.
 
Quand c’est dans le registre positif, c’est normal ; nous y avons droit !
 
Or, si nous ne sommes pas attentifs à ce qui nous advient par rapport au désir fondamental qui nous habite, alors, nous vivons presque en vain.
 
En tout cas, nous restons des analphabètes de notre propre existence.
 
Prions le seigneur pour que nos sens restent ouverts.
Roland Cazalis, compagnon jésuite
2 R 5, 14-17 ; Ps 97 (98), 1, 2-3ab,3cd-4 ; 2 Tm 2, 8-13 ; Lc 17, 11-19
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