Jardinier de Dieu

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Pourquoi ce nom ? Un de nos jésuites va vous répondre


27 septembre 2020, 26e dimanche ordinaire, année A - Homélie

Publié par Jean-Luc Fabre, compagnon jésuite sur 25 Septembre 2020, 21:23pm

Catégories : #Evangile_réflexion

Mt 21, 28-32 : En ce temps-là, Jésus disait aux grands prêtres et aux anciens du peuple : « Quel est votre avis ? Un homme avait deux fils. Il vint trouver le premier et lui dit ‘Mon enfant, va travailler aujourd’hui à la vigne.’  Celui-ci répondit : ‘Je ne veux pas.’ Mais ensuite, s’étant repenti, il y alla. Puis le père alla trouver le second et lui parla de la même manière. Celui-ci répondit : ‘Oui, Seigneur ! ’ et il n’y alla pas. Lequel des deux a fait la volonté du père ? » Ils lui répondent : « Le premier. » Jésus leur dit : « Amen, je vous le déclare : les publicains et les prostituées vous précèdent dans le royaume de Dieu. Car Jean le Baptiste est venu à vous sur le chemin de la justice, et vous n’avez pas cru à sa parole ; mais les publicains et les prostituées y ont cru. Tandis que vous, après avoir vu cela, vous ne vous êtes même pas repentis plus tard pour croire à sa parole. »

Nous rechercherons en ces jours ce que pourrait être pour nous une véritable communauté discernante. L'Evangile de ce dimanche peut-il nous apporter quelques lumières dans cette quête, si nécessaire pour nous, pour l'Eglise et pour le monde ?  Le monde, l’Eglise, la Cté de Vie Chrétienne ont tous, en effet, grandement  besoin de laisser la liberté de chacun s’exprimer et se tisser avec celles des autres... pour aller vers la fraternité universelle à laquelle nous appelle sans cesse le Christ et que le Pape François désire faire progresser en ces jours avec sa future Encyclique. La solution passe concrètement par des prises de décisions communes, qui aident la croissance de chacune des libertés ainsi que leur tissage libre entre elles. Alors oui l’Evangile d’aujourd’hui peut nous aider, en nous rendant sensible à trois enjeux : s’inscrire a priori dans des collectifs, être conscients du combat spirituel, vivre sereinement la repentance entre nous !

Premier apport. Il y a, dans cette scène évangélique, avec Jésus, le groupe des grands prêtres et des anciens du peuple ainsi que les groupes des publicains et des prostituées, sans compter les apôtres et les disciples, bien souvent en fond de tableau. A l'époque de Jésus, puis longtemps après, et même parfois aujourd’hui encore, les êtres humains vivaient, vivent au sein de collectifs. Ces collectifs les cadraient certes mais les portaient aussi, leur conférant à chacun une réelle consistance, les éveillant aussi à la solidarité, à l’amitié. L'homme dans son cheminement personnel n'était ainsi jamais séparé radicalement de ses pairs. A l'époque d'Ignace c'est bien le cas, les êtres humains sont insérés dans des collectifs. Nous retrouvons cette réalité humaine mise en œuvre dans les Exercices, si nous y prêtons attention. Ainsi dans les contemplations, comme celle de l'appel du roi temporel qui  appelle tous les siens, dont le retraitant, celle pour obtenir l'amour, où Ignace propose au retraitant de se voir devant Dieu notre Seigneur, les anges et les saints intercédant pour lui, à chaque fois, le retraitant se projette, membre d’un collectif : la cour du roi temporel ou la cour céleste. Nous pouvons y voir l’indice que cette nouvelle manière de faire pour nous, vivre des discernements communautaires en y incluant ses frères et ses sœurs, rejoint une assise anthropologique profonde, essentielle à l'humanité. Notons que c'est aussi celle de la dynamique de l'ubuntu sud-africain cher à Nelson Mandela. Le chemin spirituel personnel est aussi un chemin collectif. Et réciproquement. Dans l’évangile, ce sont les réseaux qui basculent ou non, celui des grands prêtres, celui des prostitués. Ne l'oublions pas, ouvrons nous y en communauté et personnellement. Sachons prendre le temps de faire communauté, d’être ensemble tout simplement. La réalité nouvelle émergera de ces réseaux constitués et vivants. Travaillons sans cesse à faire communauté.

Deuxième apport. Ce passage d'Evangile est par ailleurs traversé par un mouvement qui court dans toute la bible. L’enjeu de tout le livre saint, c’est d’aider celui qui le lit, le travaille, à trouver son chemin de vie. Il s'agit sans cesse de faire percevoir le combat spirituel qui habite le lecteur mais dont il n'a pas conscience. Parfois l’enjeu est plus manifeste comme ici. La manière consiste alors souvent de partir d'une histoire distanciée où le locuteur peut prendre spontanément parti. « Lequel des deux a fait la volonté du père ? » Ils lui répondent : « Le premier. » Et une fois la prise de position faite, l'interlocuteur nous ramène à notre propre situation. C'est ce que fait Jésus ici. C'est ce qu'a fait Nathan avec David après l'adultère avec Salomé, puis l'assassinat d'Uri. Je pense qu'aujourd'hui dans un groupe élargi aux pratiques diversifiées, comme la Communauté de Vie Chrétienne à tous ses étages : mondial, national, régional, prendre le temps de la contemplation croisée peut jouer ce rôle, c’est ce qu’on appelle parfois la déambulation comme lors de l’Assemblée de Communauté à Angers en 2019. Je me laisse toucher, déplacer par ce que d’autres vivent et je puis alors regarder autrement ma situation, y percevoir le combat spirituel qui se joue et ensuite entreprendre l'aventure du devenir. Ici dans le récit évangélique il y a à observer, prendre conscience, se changer. Les prostituées, les publicains le font mais pas les grands prêtres, ni les anciens ! 

Troisième apport. Il rejoint la fin du deuxième apport. Les groupes ont pu ou non se déplacer, évoluer selon la capacité de leurs membres à se reconnaître pêcheurs, perdus, ratant la cible...et en attente vive de propositions de vie. Certes c’est bien plus facile, peut-être, quand vous êtes prostituée, publicain, déprécié socialement, que quand vous êtes grand prêtre ou ancien du peuple, pris par une reconnaissance sociale piégeante. Mais nous, comme chrétiens, nous devrions l’avoir comme notre ADN profond, à savoir que nous sommes des pécheurs pardonnés avec notre identité nouvelle remise dans les mains du Seigneur, comme les apôtres qui après leur abandon du Seigneur durant la Passion, ont reçu du Christ ressuscité le pardon et l’ouverture vers un avenir à inventer avec lui et leur frères, tous leurs frères. Sachons que ce cheminement vers des décisions communautaires demande à chacun de nous de pouvoir se reconnaître pécheur, incapable par lui-même, ouvert à l’action du Seigneur en lui, détaché de toute suffisance, seulement désireux d’aller sur le chemin de vie, pauvre avec les pauvres. Faisons nôtre le chemin des publicains et des prostituées, il est chemin de vie pour tous. « Jean le Baptiste est venu à vous sur le chemin de la justice, et vous n’avez pas cru à sa parole ; mais les publicains et les prostituées y ont cru. Tandis que vous, après avoir vu cela, vous ne vous êtes même pas repentis plus tard pour croire à sa parole ». Amen !
Jean-Luc Fabre, compagnon jésuite

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