(7 juillet 2024 : 14ème dimanche du Temps ordinaire, année B)
Après l’audace de la foi, celle de Jaïre, le chef de la synagogue et celle de la femme ayant des pertes de sang, dans l’évangile de dimanche dernier. Jésus pressé de tout coté par la foule intriguée et qui met sa foi dans cet inconnu Jésus revient dans son lieu d’origine. Ici Il est connu et les gens n’attendent rien de lui en particulier : N’est-il pas le charpentier, le fils de Marie. Pourtant, ils vont être frappés d’étonnement dit l’évangile : Quelle est cette sagesse qui lui a été donnée, et ces grands miracles qui se réalisent par ses mains ? Et ils étaient profondément choqués à son sujet poursuit l’évangile. Ils ne s’attendaient pas à cela ! et semblent recevoir le comportement de Jésus comme une trahison de sa part ! Il y a une distance difficile à franchir entre l’homme jésus, le charpentier de Nazareth, et ce Jésus qui prêche avec autorité…. La plupart ne la franchie pas, alors ils passeront de l’étonnement à la colère sans plus se poser de question. Dans l’évangile de Luc, ils chercheront même à précipiter Jésus du haut d’un escarpement. Jésus, vrai homme, vit sa vie d’homme au milieu des siens. A ce titre, il n’échappe pas aux règles de comportement des hommes : Nul n’est prophète en son pays !
Le prophète Ézéchiel s’est heurté lui aussi au même obstacle auprès des siens. Le prophète est le porte-voix de Dieu, il n’est pas là pour convaincre les hommes mais pour qu’ils entendent et qu’ils sachent en conscience que Dieu leur a parlé.
Mais les gens n’écouterons pas le prophète : Les fils ont le visage dur, et le cœur obstiné ; Pourtant les paroles d’Ézéchiel resterons et on comprendra un jour qu’elles étaient prophétiques : ils sauront qu’il y a un prophète au milieu d’eux… Ézéchiel fait parti des grands prophètes d’Israël qui ont annoncé le messie.
St Paul, l’ex-pharisien, connaît parfaitement les écritures et sa conversion lui en a donné une lecture unique : Il a reconnu dans le Christ celui que toute l’écriture annonçait. Il l’écrit aux Corinthiens : les révélations que j’ai reçues sont tellement extraordinaires. Mais un autre étonnement habite St Paul… C’est Jésus lui-même qui lui a fait franchir la distance qui séparait pour lui le Rabbi de Nazareth du rédempteur du monde. Recevoir une telle révélation le met paradoxalement en danger : celui de se surestimer dit St Paul. C’est peut-être un reste de son passé de « pharisien pur et dur » avec la tentation de s’approprier la révélation qu’il a reçu sur le chemin de Damas ?
La révélation se reçoit et se transmet dans l’humilité, elle n’appartient à personne. Elle fait toucher à celui qui la reçoit sa propre faiblesse. Cette faiblesse est inhérente à notre condition de créature humaine limité : malgré les révélations extraordinaires qu’il a reçu, St Paul ne reste qu’un homme, il ne devient pas un surhomme… Il reste un homme qui n’est pas à la hauteur du message qu’il doit porter aux nations païennes. Il reste dépendant du message, il n’en n’est pas l’initiateur et encore moins le propriétaire. Porter la révélation du Christ aux nations païennes confronte inévitablement St Paul à l’adversaire… à celui qui sait repérer nos faiblesses, celui qui sait nous faire entrer en tentation pour que nous tombions. Porter la révélation du Christ aux nations païennes, c’est un combat qui dépasse l’évangélisateur lui-même.
Mais alors, si l’évangélisateur ne peut être à la hauteur de l’Évangile ! Comment pourra-t-il le transmettre ? Le christ répond à St Paul : C’est en acceptant sa condition de faiblesse qu’il pourra être l’instrument de Dieu : Ma grâce te suffit, car ma puissance donne toute sa mesure dans la faiblesse.
La faiblesse dont parle Jésus, c’est la limite humaine. Elle est paradoxalement nécessaire à la diffusion du message évangélique. Parce que si on enferme l’Évangile dans les limites humaines, la révélation devient une doctrine humaine, elle n’est plus la révélation ! Dieu reste toujours maître de son projet : ma puissance donne toute sa mesure dans la faiblesse dit jésus à St Paul. L’Église a été confronté très tôt à ce qu’on appelle la gnose : C’est à dire faire de l’Évangile une idéologie... c’est vouloir devenir propriétaire de l’évangile pour en faire une totalité fermée sur elle-même nous plaçant au dessus des autres … C’est l’antithèse de l’Évangile ! celui-ci ne peut être transmis que dans et pour l’amour de Dieu et du prochain. Pour nous, comme pour St Paul, le Christ agit dans notre faiblesse : nous recevons alors tout du Christ. Alors nous pouvons nous sentir faibles, pécheurs, peut-être incertains sur nous-même, vulnérables à l’esprit du monde et pourtant véridiques. A l’image de notre Seigneur qui s’est rendu faible sur la Croix pour sauver l’humanité. Nous portons un trésor dans des vases d’argiles, mais c’est comme cela que nous devons porter le Christ au monde. Et c’est bien ce qui est merveilleux dans la révélation !
Amen