13e dimanche du temps ordinaire, année A - 2 juillet 2017
2Rois 4,8-11.14-16a., Ps 89(88),2-3.16-17.18-19., Rm 6,3-4.8-11., Mt 10,37-42.
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Dans les trois textes (1ère lecture, 2e lecture et l'évangile) que nous venons de lire, j’aimerais souligner deux idées.
Mais commençons par une remarque. Le vocabulaire et le style de ces textes sont un peu éloignés de notre contexte, donc il est important de les adapter à la psychologie des interlocuteurs que nous sommes.
La première idée est que paradoxalement, nous ne sommes pas dans une logique de la récompense.
Bien entendu, tout travail mérite son salaire, ce n’est pas une récompense, mais simplement la justice.
La positivité que nous injectons dans le monde importe vraiment, car elle contribue à faire tourner le monde dans le bon sens. Et notre satisfaction, c’est de nous rendre compte que notre action importe vraiment. Mais, nous ne le faisons pas pour une récompense, car l’initiative vient de notre fond, elle vient de nos tréfonds.
Alors l’apôtre Paul dit « Nous tous qui par le baptême avons été unis au Christ, c’est à sa mort que nous avons été unis par le baptême, etc. », et il termine : « c’est pour que, nous aussi, nous menions une vie nouvelle, comme le Christ ressuscité ».
Même si nous suivons la dialectique de Paul, il se peut que nous ne saisissions pas entièrement le rapport entre ce que vit le Christ et les conséquences pour l’humanité.
Alors, il faut comprendre le paradoxe. Le Christ, par sa venue, prend l’humanité ; il l’incorpore. C’est la même logique que l’eucharistie. Il devient l’humanité dans l’homme et entraîne l’humanité dans son mouvement de descente et de remontée. Et c’est plus que l’humanité qu’il entraîne, c’est la création tout entière.
Alors, nous voyons que d’un point de vue théologique, ce geste du Christ donne à la création en général et à l’humanité en particulier, toutes les clés pour mener à bien son aventure là où elle est, ici sur notre planète pour commencer.
Cela signifie que l’humanité n’avait pas encore toutes les clés avant l’avènement du Christ. Les clés nous ont été données, de ce fait, nous sommes responsables des autres groupes de vivants sur cette planète et probablement ailleurs.
Alors, prendre soin de ces groupes de vivants, prendre soin de la planète font partie maintenant du « prendre soin de soi ». L’idée est en marche jusqu’à ce qu’elle soit acceptée partout et par tous.
Dans son geste, le Christ n’est pas dans la logique de la récompense, et donc nous non plus, car nous sommes entraînés dans le même mouvement que lui ; il nous entraîne dans le même mouvement que lui.
Notre seule récompense est de savoir que faisant ainsi, nous sommes engagés dans le mouvement de notre propre accomplissement.
La seconde idée vient des formulations abruptes suivantes : « celui qui aime celui-ci ou ceci plus que moi n’est pas digne de moi ».
On voit bien que s’il y a d’un côté l’amour pour le Christ et de l’autre l’amour pour celui-ci ou ceci, on est divisé, et l’on devra faire un choix, et ce n’est pas le Christ que l’on choisira.
Pour expliciter que cette logique du choix est erronée, je vais prendre un exemple dans la danse.
L’avènement du break-danse, ou de la danse hip-hop est une mode venue des USA pour changer, et quand c’est importé, cela signifie que l’on ne retient que l’écume des vagues et non pas tout le mouvement culturel qui y est sous-jacent.
Bref, avec cette danse hip-hop déracinée, au début c’est spectaculaire, car c’est nouveau et spectaculaire aussi. Çà l’est 10 min, car, ce n’est que de la performance s’il lui manque un récit pour raconter quelque chose et oublier la performance et passer ainsi dans la sphère de la beauté. C’est ainsi qu’advient la beauté dans un ballet quand les danseurs se transcendent.
Pour qu’advienne le beau en mouvement, il faut la conjonction du récit et de la performance. Donc, on voit que le choix entre le récit et la performance est erroné.
Donc, l’exhortation du Christ, ne concerne pas un choix entre lui et quelqu’un d’autre, un choix qui serait de toute façon erroné, mais c’est pour qu’advienne la beauté dans notre vie.
Le beau, n’est pas ce que l’on brandit devant les autres, car le beau on ne peut pas l’attraper. Donc il reste la performance, le jeu de l’homme devant les autres, le jeu de l’homme en lui-même, et parfois même, le jeu de l’homme devant Dieu, pour paraphraser La Tour du Pin. Comme si Dieu pouvait être impressionné par les performances.
Prenons un autre exemple. On va faire dans le trivial cette fois. Prenons le cas fictif d’un père jésuite qui serait intelligent, brillant, doué en intelligence émotionnelle, etc. Bref, une bête ! Mais, si cet homme n’est pas habité par le silence de Dieu, alors ce qu’il fait, aussi brillant soit-il, n’est que de la performance.
Il n’y a que lui dans ce qu’il fait et dans ce qu’il donne ! Il est son propre prophète et n’arrête pas de s’auto-annoncer !
Où est-elle la beauté ?
Ceci nous fait dire que notre vie doit être habitée par le silence de Dieu.
Notre vie de couple, notre vie de famille, notre vie de célibataire, notre vie de veuf ou de veuve, notre vie de religieux, notre vie de jeune doit être habitée par le silence de Dieu.
Notre vie doit être habitée par cette petite flamme dont la lumière transparaît sur notre peau.
C’est cette grâce que nous demandons pour chacun d’entre nous.
Amen.
Père Roland Cazalis, image
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