Personne n’osait plus l’interroger. Cela surprend. Au moment où un scribe est proche du royaume de Dieu, la curiosité devrait s’éveiller, non ? Peut-être que ce « royaume » fait peur. C’est vrai qu’il appelle à aimer en vérité, à commencer par soi-même, et le prochain sans préférence. Aimer ne veut pas dire d’éprouver pour tout autre un amour « bisounours », dans une communion parfaite, mais au moins désirer et vouloir son bien. Et aimer ton Dieu de tout toi-même, demande que je ne vive pas comme un stressé solitaire mes jours, comme si j’en étais le seul maître. Je les reçois de Dieu, « le Seigneur ton Dieu ».
« Le Seigneur ton Dieu », le prophète Osée reprend l’expression. « Écoute, Israël » ! L’enfant, et le peuple, a un nom ! Il a été élu par Dieu. Écouter qui ? Quelqu’un que je vois jamais ? Oui. Dieu, je ne le connais « que » de l’intérieur, et il ne cessera jamais de me déplacer. C’est fort et fragile. Là se trouve le garant de la liberté véritable. Sinon je verse dans les « idoles », dit Osée. Donc soit j’accueille « le Seigneur ton Dieu » ; et s’ouvre une vie libre qui porte du fruit, branchée à Sa sève. Soit je sers les « idoles », dans une quête d’autonomie, et il n’y a pas de fruit, pas de vie, Dieu est mort, moi aussi. Être « sauvé », c’est opérer un passage. Il y a le mode « autonomie » toute-puissante, où j’envie les grands, les forts, comme Israël avec les Assyriens, et où j’ai peur de disparaître, d’être mangé. Il y a le mode « liberté », dans une alliance ; c’est le cœur qui vit. « Le Seigneur ton Dieu », si tu l’écoutes, te donne d’aimer et traverser la fragilité, les limites, ton réel. Le laisser vivre en moi, en nous, ne me fera pas « préparer la guerre », comme l’évoquait un titre de La Croix, mais demeurer veilleur à tenir le cœur ouvert, même en temps d’ « orages ».
Olivier de Framond, compagnon jésuite
Os 14, 2-10 ; Ps 80 (81), 6c-8a, 8bc-9, 10-11ab, 14.17 ; Mc 12, 28b- 34
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