Jardinier de Dieu

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Pourquoi ce nom ? Un de nos jésuites va vous répondre


Comment aujourd’hui préserver vraiment la vie ? : Réflexions à partir du film « la plus précieuse des marchandises »

Publié par Jean-Luc Fabre, compagnon jésuite sur 23 Décembre 2024, 12:27pm

Catégories : #Commentaire Film

Ce film surgit à un moment de l’histoire universelle, les survivants la deuxième guerre mondiale sont de moins en moins nombreux, un conflit hors norme traverse le proche orient, la Palestine est toujours un peu plus agressée par Israël dans un silence effrayant de la communauté internationale. Et pourtant, ce film produit par Michel Hazanavicius de confession juive et s’inscrivant dans un support à la politique actuelle de l’état israélien, Michel Hazanavicius : "j’ai voulu redonner de la dignité à tous ces gens" - The Times of Israël je le crois, dit à chacun de nous des choses universelles et ouvre un véritable chemin pour les attitudes à rechercher pour donner à notre humanité toute entière de traverser la crise multiforme et multidimensionnelle dans laquelle nous sommes actuellement précipités.
 
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Dès son commencement, le film campe deux attitudes face à la vie, avec un couple de bucherons. Il y a celui qui sort chaque jour de chez lui et va lutter pour imposer sa volonté à la nature. Il sort avec une hache et, le soir, rentre fort du travail fait. Il repose sa hache. Il est un « roi » qui par son énergie propre impose un ordre au monde. Par ailleurs, il y a celle qui, présentement sans enfant, demande d’en avoir un nouveau au « Dieu du train » qui se manifeste par le passage répété de trains. Elle est « prêtre » dans une attitude sacerdotale qui consiste à offrir et à recevoir sa vie au-delà de la situation du moment. 
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Une nouveauté surgit soudain sous la forme d’un bébé, tombé du train. Aussitôt reçu par la femme qui le nourrit et apprend, par-là, à l’accueillir davantage et aussitôt rejeté par l’homme qui déclare que les « sans cœurs » n’ont pas de cœur. Mais la nouveauté innocente peu à peu fait son chemin en lui. Son chemin d’acceptation commencera par un simple conseil adressé sur le pas de la porte à sa femme : il faut lui donner du lait pour bien le nourrir. Cela passera par l’expérience bouleversante de percevoir les battements du cœur de la petite fille, sa main posée par sa femme sur la poitrine de l’enfant. Les « sans cœurs » ont un cœur, retournement complet en lui qui va le conduire à s’opposer à ceux avec qui il travaille. Il ne pourra en démordre et sera entrainé, par-là, à une mort, attestant d’une vérité qui l’a retourné. Auparavant il aura pris la mesure de la provenance don reçu de la petite fille par sa femme. Elle n’a pu la recevoir que parce qu’un autre, son père ou sa mère, a risqué de la jeter hors du train pour lui donner une chance de survivre, la confiant, là aussi, à un plus grand que lui. Il aura ainsi développé une attitude de « prophète » : dire des choses susceptibles d’aider la liberté de l’autre et tangenté sa dimension sacerdotale : se reconnaître dans un monde plus grand que le lieu de son action, c’est cela qui le conduit d’ailleurs au témoignage. A un moment, il crie de tout son être sa confession les « sans cœur » ont un cœur dans la forêt déserte.
 
La manière de faire face à la nouveauté
Sa femme, parce qu’elle est dans son attitude sacerdotale de recevoir et demander à un plus grand, sait, dans le quotidien quel qu’il soit, s’adapter aux aléas. Ainsi elle a su amadouer son mari, puis le berger à la gueule cassée pour recevoir en échange de lui le précieux lait de sa chèvre. Chez le berger, après la mort violente de son mari, elle trouvera refuge, ayant bâtie auparavant dans la durée, une alliance avec lui qui va bien au-delà de l’économique. Ce même berger mourra, d’ailleurs, de par son attitude royale en voulant s’imposer aux autres violemment sans chercher à se concerter avec eux. Quant à elle, la bucheronne reperdant un appui, elle continuera sa vie grâce à la chèvre qui lui fournit le lait pour la vente de fromages et assure sa subsistance et celle de sa fille adoptive.
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Un autre homme partage, avec la femme bucheronne, l’attitude sacerdotale : le père de la petite fille. Il l’a jetée hors du train pour prendre ainsi le risque de la sauver, en ayant vu au loin la vieille femme. Il accepte pour cela de la perdre, il impose ce choix à son épouse. Il se fie, par-là, sans la nommer, à une bonté plus grande. Il subsistera, ensuite, dans le camp de concentration, trouvant un emploi, tout en ayant perdu toute sa famille, exterminée à l’arrivée. A la libération, il se rétablira et retrouvera sa vocation fondamentale, sa raison de vivre : soigner les enfants. D’une certaine manière, lui aussi prend distance par rapport à la situation la recevant et l’offrant. Sa royauté s’exerce toujours en second après avoir reçu d’un autre. Un dernier signe de cette attitude profonde en lui : à son retour à Varsovie, bien des années après, il pressent que sa petite fille est aujourd’hui cette jeune femme pleine d’allant, qui s’expose sur la couverture d’un magazine, récompensée car issue d’une pauvre mère ayant survécu grâce à la vente de fromages de chèvre. Il ne tentera pas de renouer avec elle, il laisse faire une liberté plus grande.
 
Alors à quoi peut nous appeler ce film ? A laisser être en nous dans notre situation présente, cette attitude qui croit que la situation que nous vivons est portée par une relation profonde avec une Bonté bienveillante. La situation peut toujours se dénouer, elle nous appelle à être témoin. Chacun de nous, efforçons nous de renouer à notre être sacerdotal, pour prendre distance avec notre situation et laisser notre cœur pousser son chant !
Jean-Luc Fabre, compagnon jésuite
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