
Nous avons la suite de l’évangile d’hier. Jean-Baptiste tué dans sa prison, Jésus est entraîné à redonner de la vie à tout un corps, ces foules regardées, confiées à la pauvreté des 12, rassasiées – et ça déborde. Cette fête du corps ne s’arrête pas là. Ce qui suit en fait partie : les foules qui repartent, Jésus qui s’en va seul, les 12 qu’il envoie en pleine nuit le précéder sur l’autre rive. Il les prépare à son départ, qui sera pour eux une nuit obscure, une tempête en tous sens. Eux n’y voient que du vent, un fantôme. Plus tard ils verront. Bien plus tard. Alors un corps renaîtra par eux envoyés par un souffle. Pour l’instant ils n’ont à offrir que leur pauvreté et leur incompréhension. « Viens, Pierre » … « Plus tard tu comprendras, Pierre » … « Homme de peu de foi, pourquoi as-tu douté ? ».
Notre première Eglise se révèle. Pierres fragiles qui se laissent saisir malgré tout par une voix, une Parole, un regard sur les foules, même s’ils les troublent. Une Eglise de rameurs, qui s’usent, crient, s’effraient. C’est notre Eglise. « Viens, Pierre ». « Seigneur, sauve-moi ». Et aussitôt Jésus étendit la main. Les 12 ne le voient pas, ils sont en train de vivre les Ecritures, la Parole annoncée par les prophètes, les vrais, pas les faux comme Ananie. Les vrais prophètes sont tournés vers le Père. Ils finissent mal mais ils connaissent la Joie. Une foi les fait marcher sur les eaux. C’est à une telle foi que Jésus éveille les 12, jusqu’à aimer la Vie, la vie ressuscitée.
Même sur les eaux, la nuit, en vents contraires, Dieu est là. Ces tout-puissants, grands prêtres ou autres, qui mènent le paquebot de notre humanité, on peut rêver de trouver mieux. Même là Jésus vient. Là il appelle à la confiance. Il est prêt à relever les morts de peur. Il invite à marcher … Et les foules et malades continuent à venir à lui. Nous sommes une part de cette foule. Jésus, le Fils, me laisserai-je saisir par ta main ? Qui es-tu, Seigneur, pour aimer et relever ainsi l’Eglise que nous sommes ? « Vraiment, tu es le fils de Dieu » ! Il y a de la confusion, de la stupeur, de l’étonnement, dans ces mots, première parole audible des 12 après leurs cris.
Olivier de Framond, compagnon jésuite