« O privilège du génie! Lorsqu'on vient d'entendre un morceau de Mozart, le silence qui lui succède est encore de lui ». Sacha Guitry Toutes réflexions faites (1947)
J’ai récemment participé aux obsèques d’une dame bien âgée, qui avait consacré sa vie à la musique, à jouer notamment les préludes de Bach qu’elle affectionnait tout particulièrement. Elle ne cessait de s’y exercer…
Sa vie, ainsi que celle de sa maisonnée, était marquée de l’incessante répétition, reprise pour arriver au son juste, au bon tempo, au frappé ajusté, avec toute la rigueur nécessaire et l’énorme labeur qui en découlait… Cet attachement était si prégnant qu’à la fin de sa vie, pour l’apaiser, la réconforter, ses enfants lui donnaient à écouter les morceaux qu’elles aimaient et qu’elle avait beaucoup travaillés.
Lorsque son prélude préféré s’est achevé, sa famille autour d’elle, elle est partie, elle aussi, rendant son dernier souffle en rythme avec la musique…
Ce qui a été vécu là n’est pas sans lien avec le festin de Babeth, le film. A la fin de la longue nuit du repas partagé, lorsque les convives sont repartis, que les deux vieilles sœurs et Babeth se reposent enfin, on voit une bougie sur le rebord d’une fenêtre s’éteindre au moment même où la musique s’arrête. S’ouvre alors, dans le cœur du spectateur, un immense espace d’attente heureuse. Laissant présager une harmonie infinie à travers les multiples petits détails sensibles de nos vies…
Comme si la musique était porteuse d’une promesse, qu’elle nous accompagne, guide, conduit même vers ce nouvel espace… La culture nous conduit pour traverser la mort, la culture nous est donnée par notre Seigneur…
Sachons découvrir la présence en tout de Notre Seigneur, dans les plus petites choses, qui arrivent comme accidentellement il est là qui se donne… ne cessons pas de goûter chaque chose donnée et reçue… demeurons pleinement dans l’ouvert de nos vies, confiants…
P. Jean-Luc Fabre
Merci à l'auteur de la photo