Jean 1, 35 à 39 : Le lendemain encore, Jean se trouvait là avec deux de ses disciples. Posant son regard sur Jésus qui allait et venait, il dit : « Voici l’Agneau de Dieu. » Les deux disciples entendirent ce qu’il disait, et ils suivirent Jésus. Se retournant, Jésus vit qu’ils le suivaient, et leur dit : « Que cherchez-vous ? » Ils lui répondirent : « Rabbi – ce qui veut dire : Maître –, où demeures-tu ? » Il leur dit : « Venez, et vous verrez. » Ils allèrent donc, ils virent où il demeurait, et ils restèrent auprès de lui ce jour-là. C’était vers la dixième heure.
Dieu vient à nous en se faisant homme et, par cela même, en usant de nos capacités humaines. Il nous demande d’en faire autant pour pouvoir aller à sa rencontre. C’est une bonne nouvelle, en chacun de nous est déposée la capacité de nous tourner vers Lui qui vient à notre rencontre.
Sur ce chemin d’humanité, Ignace s’est révélé un maître. Ainsi des attitudes vécues par Ignace ont été porteuses de vie pour lui et il a su les retravailler pour les proposer à d’autres, notamment dans les Exercices Spirituels, pour qu’eux aussi ils puissent cheminer vers la rencontre du Seigneur à partir de leur propre humanité. Ici dans ce passage d’évangile proposé par l’Eglise pour la fête de Saint Ignace, nous en retrouvons trois, nommons-les :
Voyons maintenant comment elles sous-tendent le devenir du récit biblique, comment Ignace les a mis en œuvre et comment aujourd’hui dans nos situations, aussi bien personnelles qu’institutionnelles, elles peuvent être pour nous-mêmes, nos communautés, nos congrégation encore sources de vie.
Savoir aller à l’inconnu, à cette époque de la vie du peuple juif toute personne en quête spirituelle est en recherche d’un guide, du messie d’Israël. C’est bien le cas pour André et son compagnon. Ils sentent que Jean considère cet homme qu’il leur indique. Aussi ils quittent Jean Baptiste et vont à ce dernier pour avancer dans leur quête. Un peu comme Ignace au début de sa conversion, parce qu’il sent qu’il y a plus de vie à copier la manière de vivre des saints qu’à rêver d’exploits pour sa dame, il prendra la décision de partir pour la terre sainte en pèlerinage. Que cela nous encourage à considérer autrement nos existences présentes, à savoir nous changer, à cheminer autrement, à accepter notre âge, ce que nous perdons nous encourage à faire, à vivre autrement, à laisser émerger un autre nous-même, à suivre ce qui nous parait porteur de vie actuellement dans la situation présente… Sachons-nous risquer.
Oser demander Mais la quête ne peut rester taciturne, close sur elle-même. Une parole de demande doit surgir pour que la quête devienne proprement humaine. Au bord du Jourdain, la demande d’André et de son compagnon est certes fruit du dialogue initié par Jésus « Que cherchez-vous ? ». Mais la demande se formule : « Rabbi – ce qui veut dire : Maître, où demeures-tu ? ». Cela permet à l’autre de donner librement à la personne qui lui a librement demandé. Ignace, élevé dans l’esprit de la chevalerie, avec un vif sens de l’honneur, était bien conscient de cet enjeu de parole porté par la demande. Aussi chaque exercice spirituel inclut dans ses préambules une demande de grâce, demande qui, à vrai dire, nous requiert tout entier. La demande est portée par quelqu’un qui déclare en effet vouloir et désirer, vouloir avec sa volonté rationnelle et désirer avec le fond le plus profond de son être… Alors là aussi retrouvons le goût de demander en notre quotidien à notre Dieu mais aussi à toutes les personnes qui nous entourent. Parfois plus que de « donner », la « demande » élève l’autre, le fait grandir. Peut-être que notre vie religieuse a été magnifiée par des demandes qui nous ont été faites. Sachons à notre tour, être des êtres de demande jusqu’à la fin.
Demeurer ce mot est dans la demande formulée par les disciples, « où demeures-tu ? » Ensuite, grâce à cette demande exaucée, ils vont pouvoir demeurer là où Jésus demeure lui-même. Un échange va pouvoir se vivre entre lui et eux. Un échange profond, au-delà des mots et des idées, qui va leur donner de connaître le Seigneur intimement. Ignace fera cette expérience pour lui-même et disposera les choses dans les Exercices pour que le retraitant puisse à son tour « sentir et goûter » en proposant répétitions et applications des sens… afin de pouvoir acquérir une connaissance intérieure du Seigneur qui pour lui s’est fait homme. Alors nous aussi dans le dernier versant de notre vie retrouvons, encore plus, cette attitude qui nous dispose à connaître plus intimement le Seigneur. Il n’y a plus forcément de grandes choses à faire mais seulement être avec Lui, à s’imbiber du fait que nous existons par Lui, avec Lui et en Lui. Que sa vie de fils Ressuscité est aussi notre vie ainsi que la vie des autres êtres.
« Savoir aller vers l’inconnu », « oser demander », « demeurer », ces trois attitudes dessinent un chemin de vie et de relation pour chacun de nous. Elles sont possibles pour chacun de nous. En ce jour, mettons-les en œuvre à notre mesure.
Jean-Luc Fabre, compagnon jésuite (Homélie donnée durant la messe de Saint Ignace célébrée dans une maison de sœurs âgées)