Quelles réponses, alors, la foi est-elle appelée à donner,
avec «douceur et respect», à l’athéisme, au scepticisme, à l’indifférence envers la dimension verticale, afin que l’homme de notre temps puisse continuer à s’interroger sur l’existence de Dieu et
à parcourir les chemins qui conduisent à Lui ? Je voudrais indiquer quelques chemins, qui proviennent soit de la réflexion naturelle, soit de la force de la foi. Je les résumerais de manière très
concise en trois mots: le monde, l’homme, la foi.
Le premier : le monde. Saint Augustin, qui dans sa vie a longtemps cherché la Vérité et a été saisi par la Vérité, a écrit une très belle et célèbre page, où il affirme: «Interroge la beauté de la terre, de la mer, de l’air raréfié partout où il s’étend; interroge la beauté du ciel…, interroge toutes ces réalités. Toutes te répondront: regarde-nous et observe comme nous sommes belles. Leur beauté est comme leur hymne de louange. Or ces créatures si belles, mais changeantes, qui les a faites sinon celui qui est la beauté de façon immuable?» (Sermon 241, 2: PL 38, 1134). Je pense que nous devons retrouver et faire retrouver à l’homme d’aujourd’hui la capacité de contempler la création, sa beauté, sa structure. Le monde n’est pas un magma informe, mais plus nous le connaissons et plus nous en découvrons les merveilleux mécanismes, plus nous voyons un dessein, nous voyons qu’il y a une intelligence créatrice. Albert Einstein disait que dans les lois de la nature «se révèle une raison si supérieure que toute la rationalité de la pensée et des systèmes humains est en comparaison une réflexion absolument insignifiante» (Comment je vois le monde, Flammarion 1999). Un premier chemin, donc, qui conduit à la découverte de Dieu, est de contempler avec des yeux attentifs la création.
Le deuxième mot : l’homme. A nouveau saint Augustin a une phrase célèbre où il dit que Dieu est plus intime à moi que je ne le suis moi-même (cf. les Confessions III, 6, 11). De là il formule l’invitation: «Ne va pas hors de toi, rentre en toi-même: dans l’homme intérieur habite la vérité» (De vera religione, 39, 72). Ceci est un autre aspect que nous risquons de perdre dans le monde bruyant et dispersé où nous vivons : la capacité de nous arrêter, de regarder en profondeur en nous-mêmes et de lire cette soif d’infini que nous portons à l’intérieur, qui nous pousse à aller plus loin et renvoie à Quelqu’un qui puisse la combler. Le Catéchisme de l’Eglise catholique affirme: «Avec son ouverture à la vérité et à la beauté, son sens du bien moral, sa liberté et la voix de sa conscience, son aspiration à l’infini et au bonheur, l’homme s’interroge sur l’existence de Dieu. A travers tout cela il perçoit des signes de son âme spirituelle. "Germe d’éternité qu’il porte en lui-même, irréductible à la seule matière" (GS 18, § 1 ; cf. 14, § 2), son âme ne peut avoir son origine qu’en Dieu seul.» (n. 33).
Le troisième mot : la foi. Dans la réalité de notre temps surtout, nous ne devons pas oublier qu’un chemin qui conduit à la connaissance et à la rencontre avec Dieu est la vie de la foi. Celui qui croit est uni à Dieu, il est ouvert à sa grâce, à la force de la charité. Ainsi son existence devient témoignage non de lui-même, mais du Ressuscité, et sa foi ne craint pas de se montrer dans la vie quotidienne, elle est ouverte au dialogue qui exprime une profonde amitié pour le chemin de chaque homme et elle sait ouvrir des lumières d’espérance au besoin de délivrance, de bonheur, d’avenir. La foi, en effet, est rencontre avec Dieu qui parle et agit dans l’histoire et qui convertit notre vie quotidienne, transformant en nous les mentalités, jugements de valeur, choix et actions concrètes. Elle n’est pas illusion, fuite de la réalité, refuge confortable, sentimentalisme, mais elle est implication de toute la vie et annonce de l’Evangile, Bonne Nouvelle capable de libérer tout l’homme. Un chrétien, une communauté qui sont actifs et fidèles au projet de Dieu qui nous a aimés le premier, constituent une voie privilégiée pour ceux qui sont dans l’indifférence ou dans le doute quant à leur existence et leur action. Ceci demande à chacun de rendre toujours plus transparent son témoignage de foi, en purifiant sa vie pour qu’elle soit conforme au Christ. Aujourd’hui, beaucoup ont une conception limitée de la foi chrétienne, parce qu’ils l’identifient davantage avec un simple système de croyances et de valeurs qu’avec la vérité d’un Dieu qui s’est révélé dans l’histoire, désireux de communiquer avec l’homme en tête à tête, dans une relation d’amour avec lui. En réalité, au fondement de toute doctrine ou valeur, il y a l’évènement de la rencontre entre l’homme et Dieu en Christ Jésus. Le christianisme, avant d’être une morale ou une éthique, est l’évènement de l’amour, il est l’accueil de la personne de Jésus. Pour ceci, le chrétien et les communautés chrétiennes doivent avant tout regarder et faire regarder vers le Christ, vrai Chemin qui conduit à Dieu.
Benoit XVI, © Libreria Editrice Vaticana, Traduction de Zenit, Anne Kurian
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