Le Discours sur la communauté ecclésiale
Matthieu est le seul évangéliste à utiliser le terme grec « ecclesia » pour définir la communauté des disciples. Ce terme, qui a donné le mot « Église », désigne, dans le monde grec, l’assemblée officielle des dirigeants de la cité. Ceux-ci sont convoqués pour régler les affaires civiles et religieuses. Dans la traduction grecque de la bible, dite des Septante, le terme traduit le mot hébreu « qahal » qui désigne la convocation de l’assemblée des Israélites pour se tenir devant Dieu, écouter sa Loi et le servir par le culte liturgique. Il apparaît donc que la communauté des disciples, convoquée et rassemblée autour de Jésus, enseignée par lui de la Loi nouvelle du Royaume, constitue l’Israël accompli. Matthieu note que cette communauté ecclésiale a été établie par Jésus au moment où Simon, se faisant le porte-parole des autres disciples, a confessé la foi en Jésus, le Messie et le Fils du Dieu vivant (16, 13-20). Sa foi est devenue la pierre sur laquelle il pouvait édifier sa communauté : Tu es Pierre, et sur cette pierre je bâtirai mon Église, et les Portes de l’Hadès ne tiendront pas contre elle. Je te donnerai les clefs du Royaume des cieux… (16, 18-19).
On peut dégager de l’enseignement de Jésus sur la communauté qu’elle est le lieu où s’édifie la fraternité, dans l’esprit du Royaume énoncé dans le Discours sur la montagne. Le ton est donné dès le début du discours par la question des disciples : Qui est donc le plus grand dans le Royaume des Cieux? (18, 1), et par la réponse de Jésus qui, en donnant comme exemple la simplicité de l’enfant, répond que l’humilité est la véritable grandeur des fils du Royaume de Dieu (18, 2-4). Il est lui-même l’humble qui se tient au milieu d’eux (18, 5).
Ce projet de vie ecclésiale découle du visage paternel que Jésus révèle de Dieu : si les disciples peuvent dorénavant s’adresser à Dieu en lui disant « Notre Père », en conséquence ils doivent vivre d’une manière tangible comme des frères et des sœurs. Avec humilité, ils doivent s’accueillir les uns les autres, respecter la dignité de chacun et se soucier des plus faibles (18, 6-14), favoriser la réintégration d’un disciple qui se serait égaré hors du chemin à parcourir à la suite de Jésus (18, 12-18), se pardonner réciproquement parce que fils et filles d’un Père qui manifeste sa miséricorde à ses enfants (18, 21-35).
Le projet de vie fraternelle que Jésus dessine pour la communauté de ses disciples doit faire l’objet de leur prière (18, 19-20). Prier pour que se réalise ce projet, c’est entrer dans la relation filiale de Jésus avec le Père et dans la relation fraternelle de Jésus avec ses disciples. De même que l’enfant placé au milieu des disciples révèle la nécessaire humilité pour accueillir Jésus et vivre dans le Royaume, ainsi la communauté en prière fait l’expérience de la présence de Jésus : Quand deux ou trois, en effet, sont réunis en mon nom, je suis là au milieu d’eux (18, 20). Notons l’affinité de cette parole avec une précédente : Quiconque accueille un petit enfant tel que lui à cause de mon nom, c’est moi qu’il accueille (18, 5). En se tenant au milieu des disciples, ses frères, comme l’humble Fils du Père, Jésus réalise l’être-avec-nous de Dieu : Je suis avec vous tous les jours jusqu’à la fin des temps, afin que se réalise la fraternité ecclésiale.
Pp 11-12 Pistes d’animation pour une lecture pastorale de l’évangile selon saint Matthieu
Pierre Alarie & Yves Guillemette centre biblique de Montréal
Source de l'image http://www.yozone.fr/IMG/jpg/evangile_matthieu_couv.jpg