Marcher dans les pas du Seigneur…
Marc 1, 40-45 Un lépreux vient trouver Jésus ; il tombe à ses genoux et le supplie : « Si tu le veux, tu peux me purifier. » Pris de pitié devant cet homme, Jésus étendit la main, le toucha et lui dit : « Je le veux, sois purifié. » À l'instant même, sa lèpre le quitta et il fut purifié. Aussitôt Jésus le renvoya avec cet avertissement sévère : « Attention, ne dis rien à personne, mais va te montrer au prêtre. Et donne pour ta purification ce que Moïse prescrit dans la Loi : ta guérison sera pour les gens un témoignage. »
Une fois parti, cet homme se mit à proclamer et à répandre la nouvelle, de sorte qu'il n'était plus possible à Jésus d'entrer ouvertement dans une ville. Il était obligé d'éviter les lieux habités, mais de partout on venait à lui.
Dans ce passage de Saint Marc, nous retrouvons Jésus dans une triple attitude, il est capable d’avoir pitié, il est capable de s’engager et d’agir et, enfin, il est capable de resituer la situation de son action dans un contexte plus large… Cette triple attitude, chacun de nous peut tenter de la mettre en œuvre dans sa propre existence. Elle est porteuse de la vie véritable…
« Pris de pitié » Jésus se laisse toucher par la pauvreté, la misère même, de cet homme. Il a pitié. La pitié se révèle de plus en plus une grande qualité dans ce monde qui s’accélère, où nous risquons de ne plus rencontrer les autres pris que nous sommes dans un tourbillon d’activités, un nouveau clou ne cessant de chasser le précédant, elle nous donne de faire communauté[i]… Alors ce qui nous arrime à l’autre, au bout du compte, en ces jours, c’est bien la pitié, la fragile et évanescente pitié. C’est avec elle que l’aujourd’hui peut retentir et nous ouvrir à cette dimension si importante pour l’homme ; celle de l’action… Mais cela demande un passage, un renoncement, une sortie de soi…
« Jésus étendit la main » L’action nous transforme, nous fait passer, nous arrache à nous-mêmes, nous engage, nous donne de répondre vraiment, mais l’action nous lie, nous colle, nous enferme encore, nous capte entièrement… Le Seigneur dit et agit, il paiera les conséquences de son action, il sera interdit. Mais, de lui-même, il se sort de l’action, il renonce : il renvoie, il ouvre l’autre à son propre chemin… Si l’action nous sort donc de ce risque terrible du relativisme, du nihilisme, l’action peut aussi nous enfermer dans une conception étroite de la réalité. Nous avons à renoncer à l’action, à accepter qu’elle ne soit que pour un temps, à le reconsidérer dans un cadre plus vaste… A l’ouvrir à une dimension contemplative selon la tradition ignatienne… Mais cela demande un passage, un renoncement, une sortie de soi…
« Aussitôt Jésus le renvoya » L’action comme la pitié est appelée à reconnaître sa limite. Elle ne cesse de renvoyer à plus qu’elle-même. Et ainsi Jésus renvoie l’ancien lépreux qu’il a guéri, à sa communauté d’appartenance... Aucune action n’a, en elle-même, sa justification. L’action est réponse à un appel et elle doit renvoyer à Celui/celui qui a appelé… La pitié qui nous mit en mouvement prend son origine dans un appel à être que nous éprouvions blessé. La relativisation de mon action, est une entrée concrète dans une vision plus profonde du réel, une entrée plus large dans la communauté humaine... Ainsi les parents se retirent et laissent libres l’enfant, ainsi le thérapeute renvoie son malade, le professeur son élève, l’amant son amour… Un passage, un renoncement, une sortie de soi se vivent…
« Cet homme se mit à proclamer et à répandre la nouvelle… » Mais alors peut surgir la perle précieuse, fruit gratuit : la reconnaissance… Tu m’as tout donné, à toi je puis le rendre, librement. L’ancien lépreux ne peut garder cette joie pour lui-même, l’Eglise ne peut s’empêcher de chanter les louanges du Seigneur, l’enfant d’honorer ses vieux parents, l’amour d’aider son amant fragilisé, abattu, l’ancien élève de se référer à son vieil enseignant… Le Fils d’honorer le Père…
Vers notre Orient, par le fait… La finalité en toute situation : Habiter l’essence de l’Homme, la LOUANGE | D’Elargir la perspective Sortir de la situation Habiter le Ce qui s’impose à moi Disciple de Celui qui passe… |
D’entrer en Action être dans la situation Habiter le Ce que je peux Serviteur en tout lieu |
D’avoir Pitié entrer dans la situation Habiter le Ce que je veux Compagnon de toute humanité |
En fait chacune de ces attitudes trouve la position juste en s’ouvrant aux autres, une action sans pitié et sans perspective ne va pas, une pitié qui n’agit pas et qui ne s’ouvre pas ne va pas, une perspective sans ressenti et sans action ne va pas nons plus…
Le Seigneur Jésus tient admirablement ce mouvement de la vie. Le contempler, le comprendre nous aide à faire nôtre sa manière… Marchons à sa suite, imitons-le, laissons son Esprit nous animer…
Un exemple dans l’histoire de l’Eglise… la Communauté de Vie Chrétienne, ce qu’elle dit du Mystère de Dieu…
Notre Dieu prend pitié en contemplant, agit dans le Verbe qui s’incarne jusqu’au bout, élargit en envoyant son Esprit comme l’atteste le premier paragraphe des Principes Généraux de la Communauté de Vie Chrétienne.
1. Trois Personnes Divines, contemplant l’ensemble de l’humanité, en prise à tant de divisions scandaleuses, décident de se donner totalement à tous les hommes et de les libérer de toutes leurs chaînes. Par amour, le Verbe s’est incarné et est né de Marie, Vierge pauvre de Nazareth.
Inséré parmi les pauvres et partageant avec eux leur condition, Jésus nous invite à nous donner continuellement à Dieu et à instaurer l’unité au sein de notre famille humaine. Ce don que Dieu nous fait et que nous faisons à Dieu continue jusqu’à ce jour sous l’influence du Saint Esprit en toutes nos circonstances particulières.
C’est pourquoi, nous, membres de la Communauté de Vie Chrétienne, avons composé ces Principes Généraux pour nous aider à faire nôtres les options de Jésus Christ et à prendre part, par lui, avec lui et en lui à cette initiative d’amour qui exprime la fidélité inébranlable de Dieu à sa promesse.
[i] Emmanuel HOUSSET L'intelligence de la pitié. Phénoménologie de la communauté Préface par Jean-Luc Marion, Paris, Éd. du Cerf, coll. « La nuit surveillée », 2003. -
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