24 juin, Le Monde est ouvert, il ne se clôt jamais...
« La réponse est le malheur de la question » Edmond Jabes
Évangile de Jésus-Christ selon saint Luc 1,57-66.80.
Quand fut accompli le temps où Élisabeth devait enfanter, elle mit au monde un fils. Ses voisins et sa famille apprirent que le Seigneur lui avait montré la grandeur de sa miséricorde, et ils se réjouissaient avec elle. Le huitième jour, ils vinrent pour la circoncision de l'enfant. Ils voulaient l'appeler Zacharie comme le nom de son père. Mais sa mère prit la parole et déclara : « Non, il s'appellera Jean. » On lui répondit : « Personne dans ta famille ne porte ce nom-là ! » On demandait par signes au père comment il voulait l'appeler. Il se fit donner une tablette sur laquelle il écrivit : « Jean est son nom. » Et tout le monde en fut étonné. A l'instant même, sa bouche s'ouvrit, sa langue se délia : il parlait et il bénissait Dieu. La crainte saisit alors les gens du voisinage, et dans toute la montagne de Judée on racontait tous ces événements. Tous ceux qui les apprenaient les conservaient dans leur coeur et disaient : « Que sera donc cet enfant ? » En effet, la main du Seigneur était avec lui. L'enfant grandit et son esprit se fortifiait. Il alla vivre au désert jusqu'au jour où il se fit connaître à Israël.
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Jean Baptiste est avec Jésus et Marie l’une des rares personnes dont les Evangiles parlent de sa naissance, de sa conception même, jusqu’à sa mort. Il est le « plus grand des enfants des hommes ». Et le jour anniversaire de sa naissance, le 24 juin, l’emporte sur le dimanche, le jour mémorial de la résurrection du Seigneur, signe de l’importance de cet homme, de sa vie, dans l’histoire du salut, signe de l’importance de cette humanité, de notre humanité, qui va à la rencontre de Dieu, du Seigneur, en se portant elle-même, en se portant comme question...
Aujourd’hui, en sa nativité, il nous est donné de considérer comment lui aussi est unique, comment en lui, est portée la question humaine, lui qui vivra à la limite, limite en naissant d’un vieux couple, limite en vivant au désert, limite en perdant tout, y compris son existence. En effet, nous pouvons dire que Jean Baptiste, de part en part, est une question... Question, qui trouvera sa réponse dans la venue du Fils de l’homme, question qui le travaillera au plus intime de la confiance : « Es-tu celui qui doit venir, ou devons-nous en attendre un autre ? »... Une question que la contemplation de sa vie aide chacun à reconnaître agissante pour lui-même aussi...
« Elle mit au monde un fils », cette expression commune est riche d’un sens profond. Ce que fait toute femme qui accouche, Elisabeth le fait aussi. Elle met au monde, elle donne à un être de sortir de lui-même, de se trouver en relation avec les autres, de pouvoir ainsi exister, comme le fera Marie qui elle aussi, peu à peu, présentera son enfant au monde, jusqu’au « ils n’ont plus de vin » à Cana... Cet homme est un fils, son fils. Le monde le reçoit celui que personne n’espérait plus, le monde se réjouit et, aussitôt, il tend à le faire sien, à se l’approprier, à le repérer, à le situer, à le naturaliser. Lui qui est né comme par miracle, il aura un nom issu de la tradition, le monde se poursuit, imperturbable en son ordre... Violence muette de faire rentrer dans le rang tout un chacun... Mais une rupture surgit. « Non, il s'appellera Jean. »
« Que sera donc cet enfant ? », le « non » des parents relance la question pour les proches, Zacharie le père, celui qui officiait dans la liturgie sempiternelle du temple, a lui aussi été travaillé par son surgissement, cet enfant porte en lui, une question qui remet le monde en route, lui interdit de se clore sur lui-même. Il ira, jusqu’au péril de sa vie, dire le droit « tu n’as pas le droit de prendre cette femme pour épouse » auparavant il aura relancé les personnes, quelque soit leur état, sur leur devenir propre... Par tâche d’huile, depuis sa conception, Jean Baptiste relance la question de l’existence, la ramène ainsi à Dieu, fait sortir chacun de l’épaisseur du quotidien, de l’habituel... Lui, l’écorché, il rouvre l’avenir, il est cette « voix qui crie dans le désert », il fait tomber ce qui nous protège de la quête du sens... Dans sa nudité, il donne la possibilité à chaque situation humaine d’être vécue comme relation avec Dieu. « La main du Seigneur était avec lui ».
« L'enfant grandit et son esprit se fortifiait » Nous connaissons l’âme de la vie de Jean Baptiste, ce qui l’anime au plus profond, mais cette âme se coule aussi dans l’existence normale, dans la croissance, le développement, l’acquisition de savoirs et de savoir-faire... Mais ne nous y trompons pas, cette vie ne se réduit pas à l’acquisition des conditions de l’existence, il ira au désert, il ira à la limite de l’humain, il laissera tomber les certitudes, les enveloppes pour être pure attente de « Celui qui vient », il tiendra la place de l’homme disponible pour la rencontre... Il donnera à son peuple d’être en éveil... Il sera, comme cela, « manifesté à Israël ». Sa parole agira... Nous aussi, en nos vies, laissons surgir ce qui est le lieu de notre attente du Seigneur, il est dans le sauvage, dans le désertique... Aimons en nous l’éveil... laissons surgir la Parole, même en un cri... Bonne fête de la Saint Jean. - Soyons tous des Jean-Baptiste

"Là où chacun a à décider pour lui-même, la seule chose qu'on puisse faire pour lui c'est de l'inquiéter." S Kierkegaard
père Jean-Luc Fabre