Partant des éléments scripturaires, nous avons découpé le texte en séquences. Ce travail de lecture et d’intelligence du texte nous permet d’aborder une réflexion d’ordre anthropologique, qui n’est pas sans incidence sur notre pratique d’écoute du handicap.
On sait que le contact fréquent avec le handicap de l’autre montre que le sensible est à la fois lieu de sens et de révélation. Impossible d’adopter la distinction classique du corps et de l’esprit. Dans ce genre de situation, chacun sait que le corps investit les ressources spirituelles, et que celles-ci s’expriment sensiblement. Le récit évangélique de Thomas nous rappelle avec force et bonheur que le sensible est lieu de la révélation. Cette conviction est évidemment insuffisante, si l’on oublie le passage du sensible au signe. Là encore, le passage de Thomas est précieux.
Enfin, si le mystère de l’autre se révèle par le sensible, nous savons que celui-ci ne s’y réduit pas. C’est pourquoi Thomas peut finalement s’écrier : « Mon Seigneur et mon Dieu !»
Certaines rencontres nous immergent dans le sensible, le nôtre et celui de l’autre. Nous risquons parfois de nous y noyer, pris que nous sommes dans la détresse du frère. Il n’est pas toujours facile de voir qui nous fait signe, du cœur de cette expérience. Pourtant, en quelques moments rares, il arrive que la parole du disciple soit aussi la nôtre. Mireille sait qu’elle finira sa vie à l’hôpital, elle est maintenant sans toit et sans famille ; mais elle s’est fait baptiser depuis quelques mois : son toit c’est l’hôpital, sa famille, les quelques chrétiens de l’aumônerie.
Quand elle parle de son baptême, ses yeux brillent, son visage rajeunit de vingt ans, la Vie est là ! Son corps et ses sens racontent sa foi. A la voir et l’entendre, chacun peut dire : « Mon Seigneur et mon Dieu » …
Daniel
HUBERT, 2001.
Paroles de Dieu au présent : souffles bibliques et cris de vie en résonance.
Harmattan, Paris, p.107