En ce temps qui est le nôtre, de quels maux devons-nous demander d’être libérés ? Quels sont les maux collectifs qui pèsent davantage sur nous et dont nous voudrions nous relever ? J’en rappelle
deux
1/ Tout d’abord, la perte de l’espérance, la peur de l’avenir : c’est une cause qui ronge la société occidentale.
La peur de l’avenir explique encore le développement des conflits, la défense acharnée de ce que chacun possède ; elle explique aussi la peur de se donner, de donner la vie, la dénatalité, la critique systématique qui abolit toute créativité. Le manque d’enthousiasme est une sorte de mal collectif, que l’on justifie parfois et qui incite à se procurer à tout prix des remèdes, des distractions, un bruit assourdissant, à prolonger indéfiniment l’âge de la jeunesse, quitte à ne pas regarder en face les défis de la vie.
«O Père, délivre-nous de la peur, de ce mal qu’est l’angoisse, le manque d’espérance !»
2/ Le second mal dont il nous faut demander d’être délivrés aujourd’hui comme société, c’est le mal de l’intérêt privé - ou d’un groupe - sur l’intérêt et le bien communs. Cette prévalence est liée au manque d’espérance. On n’a plus d’yeux pour voir le bien commun, que ce soit celui de la famille ou de la cité ; de la nation, ou de l’Europe et du monde ; chacun se bat pour conserver ou argumenter ce qu’il possède, peu ou prou, sans se préoccuper des autres. En conséquence, on se moque de la solidarité, ou suspecte les gestes de partage comme s’ils dépendaient d’obscures motivations égoïstes, on ne veut plus courir un risque pour un bien inférieur.
Il est donc juste de prier : «Père, délivre-nous de ce mal, de l’intérêt privé qui l’emporte sur tout ; fais que triomphe la solidarité, le souci du prochain qui est à la racine de tout acte bon, de toute institution qui s’engage pour le bien des hommes.»
Pour conclure, j’aimerais vous poser une question personnelle, à laquelle vous pourrez répondre dans une méditation silencieuse : si je devais donner moi-même un contenu à la prière « délivre-nous du mal » que dirais-je ? De quels maux, en particulier, voudrais-je être délivré ?
Que le Seigneur nous donne, donne à tous l’espérance de vaincre le mal où il se trouve.
Carlo MARIA, 1999.
Le notre Père.
Editions Saint Augustin, Saint Maurice (Suisse), p.p.29-30.