… Avoir
confiance, ce n’est pas jouir d’une assurance totale. A la différence de Dieu, l’homme est imprégné de finitude. Transposer le modèle d’alliance entre Dieu et son peuple aux relations humaines
revient à tomber dans le piège de croire que l’homme peut, comme Dieu, être sans failles et sans limites. C’est confondre deux ordres de réalité, alors que la foi – c’est-à-dire la confiance
absolue en un être totalement fiable – ne saurait avoir le même statut que la confiance en l’homme. Toute démarche humaine est une démarche de « véracité » et non pas de
« vérité » : « Seul le Christ est tout entier dans la vérité, écrit Véronique Margron. Ainsi, dans la fidélité à nos affections, nos amours, il ne s’agit pas de ne pas
changer, de demeurer figé dans une manière d’être, d’aimer. Car c’est alors la mort qui rôde. Le désir […] ce n’est jamais sans surprises. Espace ouvert confié à des intentions pour la fidélité,
à des nouvelles manières de se signifier (*)
A la différence de la foi, la confiance n’est jamais
un pur « don » : elle est quelque chose que l’on construit, pour soi et pour l’autre ; quelque chose que l’on « fait » et que, parfois, l’on « défait ».
C’est pourquoi, même pour un croyant, elle ne peut se concevoir sur le modèle de l’alliance entre Dieu et les hommes, sauf à s’entretenir dans l’illusion de vivre encore dans un Eden où l’on ne
ferait qu’un avec Dieu au sein d’une confiance primordiale capable de nous offrir une protection contre notre propre ambivalence. La confiance entre les êtres humains surgit à partir du moment où
l’on s’efforce d’habiter et de séjourner dans un lieu de transit, dans l’espace du va-et-vient de la rencontre. Certes, elle ne peut se développer que dans un monde intelligible, dans un réseau
de significations fondatrices – l’expérience faite pendant l’enfance d’un point d’appui, de l’amour des parents. Mais elle ne peut survivre que lorsqu’on accepte que chaque personne ait ses zones
d’ombre et ses faiblesses. La confiance naît du lien – les tout premiers liens, les liens avec les parents et les proches. Mais sa véritable force réside dans le fait que, même si elle demeure à
jamais fragile, elle engendre toujours du lien.
Michela
MARZANO, 2010.
Qu’est-ce que la confiance ?
in Etudes, 412 (1), p.p.62-63.
(*) Véronique Margron, La Douceur inespérée, Bayard, 2004,...