Tous les saints ont connu, d'une manière ou d'une autre, cette étape. Ils ne l'ont pas franchie dans une crispation
volontariste sur l'idéal de sainteté qui les avait mis en marche. Ils ont accepté leur pauvreté et ils y ont découvert un nouveau visage de Dieu, en accueillant ce que le père Voillaume a nommé
un second appel (1).
Appel à découvrir la tendresse et la gratuité de l'amour de Dieu pour les pécheurs que nous sommes.
Appel à accueillir la puissance de l'Esprit qui triomphe dans notre faiblesse.
Pas seulement celle du croyant exilé dans un monde hostile, mais aussi celle du pécheurqui découvre en lui fragilité
et complaisance face à la tentation.
Au soir du Vendredi saint, Pierre n'était pas seulement seul et désarmé pour défendre son maître,il était aussi divisé, miné par la peur et le doute, lui qui s'était dit prêt à mourir pour le Christ.
C'est dans la découverte
et l'humble acceptation de son être pécheur
qu'il trouvera la force de devenir
pour ses frères la « pierre »
sur laquelle pourra s'appuyer leur foi.
C'est au moment où il ne peut plus rien dire,
plus rien promettre,
que le Christ lui renouvelle sa mission
et l'appelle de nouveau à le suivre.
Face à ce « second » appel,
Pierre découvre qu'il n'est plus tenu d'être le disciple
qu'il avait rêvé d'être,
qu'un autre désormais le mènera et que c'est bien ainsi.
Pour décrire les étapes de la croissance spirituelle,
on pourrait paradoxalement utiliser ces trois figures :
le juste, le pécheur, l'enfant.
C'est bien en effet de croissance qu'il s'agit lorsqu'il faut,
dans le regard de Dieu, passer du juste au pécheur.
Découvrir ses limites et son péché peut être une épreuve ;
dans le pardon de Dieu,
pour nous comme pour Pierre,
c'est une grâce sans prix.
Il est possible alors de dépasser et sa justice et son péché,
d'atteindre à cette absence
de retour sur soi qu'est l'esprit d'enfance,
l'esprit du Royaume.
Thérèse de Lisieux en fut pour nous l'exemple ;
et l'Esprit s'est plu à manifester en elle
la force qui transfigure notre faiblesse.
Michel Rondet De la sainteté désirée à la pauvreté offerte
(1) - René VoilIaume, Lettres aux fraternités, tome 1, Paris, Éditions du Cerf, 1960, p. 11-35
photo http://s.plurielles.fr/mmdia/i/96/6/un-enfant-qui-court-10485966ubogo_2041.jpg?v=1