Un élan plein de ferveur vers le Mystère que nous ne prétendrons jamais posséder, une confiance sans réserve au Dieu de Jésus-Christ, un assentiment profond à la Révélation que nous avons reçue et qui prend corps dans les énoncés du Credo : ces trois dimensions ne sont pas séparables, elles contribuent toutes trois à définir la foi chrétienne et, par là même, nous éclairent sur ce que doit être l’annonce de l’Evangile aujourd’hui.
Une telle foi engage certes nos libertés personnelles, mais plus encore elle présuppose la communauté de l’Eglise et elle y renvoie ; elle la présuppose, car la foi se reçoit et se nourrit de ce qui nous est transmis par l’Eglise (la Parole de Dieu, la profession du Credo, les sacrements…) ; elle y renvoie aussi, parce que notre foi partagée et notre manière d’en vivre façonnent notre communauté ecclésiale, faisant d’elle une communauté de témoins qui ont reçu l’Evangile et qui ont mission de le transmettre à leur tour.
J’ajouterai que la foi, ainsi comprise, ne devrait pas cesser de nous étonner, ou plus encore de nous émerveiller, et que l’annonce de l’Evangile doit elle-même porter la marque de cet émerveillement. La foi engage la liberté de celui qui pose un tel acte ; mais elle est réponse à l’appel de Dieu, et elle se nourrit d’une force et d’une énergie qui viennent de plus profond que nous. Jésus lui-même se laisse surprendre et émerveiller par la foi dont il est témoin, et plus encore lorsque cette foi jaillit des lèvres de quelqu’un qui n’appartient pas au peuple d’Israël – comme le centurion romain ou la Syro-phénicienne. Nous pouvons à notre tour nous laisser surprendre par une telle foi et par les témoignages que nous en trouvons autour de nous.
Annoncer l’Evangile, ce n’est finalement possible qu’à la mesure de cette énergie mystérieuse de la foi et de ce qu’elle opère en nous ou autour de nous. La foi, disait Teilhard de Chardin, c’est « la croyance en Dieu chargée de tout ce que la connaissance de cet Être adorable peut susciter en nous de confiance en sa force bienfaisante » ; et il ajoutait : « Si nous ne croyons pas, les vagues engloutissent, le vent souffle, la nourriture nous manque, les maladies nous abattent ou nous tuent, la force divine est impuissante ou lointaine. Si nous croyons au contraire, les eaux se font accueillantes et douces, le pain se multiplie, les yeux s’ouvrent, les morts ressuscitent, la puissance de Dieu lui est comme soutirée de force et se répand dans toute la nature 1. »
Si telle est la foi, alors elle brûle d’être partagée. L’annonce de l’Evangile n’en est pas une simple conséquence, mais elle fait partie intégrante de l’expérience croyante, et l’on comprend alors le mot de saint Paul : « Annoncer l’Evangile n’est pas pour moi un titre de gloire ; c’est une nécessité qui m’incombe. Oui, malheur à moi si je n’annonce pas l’Evangile ² ! »
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1- P. Teilhard de Chardin, Le milieu divin, Seuil, Paris, 1957, p. 168 et 169.
2-1 Co 9, 16
P. Michel Fédou, théologien jésuite
Extrait de son intervention « Comment croire et annoncer l’Evangile dans le monde d’aujourd’hui ? »