Un été 1942, un été 2012
L’Esprit travaille le corps de l’Eglise, et ne cesse de l’inciter à témoigner de l’appel à se rassembler
pour l’humanité dans la justice…
Deux échos différents mais unis profondément, celui de l’été 1942 du Cardinal Saliège l’archevêque de
Toulouse qui s’engage dans sa parole pour le respect du aux juifs comme à tout homme, celui de l’été 2012, d’une dame de la région toulousaine, amenée à accueillir des réfugiés, et à leur donner,
avec bien d’autres, l’occasion d’êtres acteurs dans leur existence française…
Notre humanité est une dans la visée de son Créateur, ne doutons pas du sens et de la portée du plus modeste
geste que nous posons pour aller vers cette fraternité universelle en Christ à laquelle nous sommes tous appelés.
Bonne lecture, bonne réflexion. Et pour moi, pour vous quel geste à poser ?
P. Jean-Luc Fabre
Le 23 août 1942, il ordonne la lecture dans toutes les paroisses de son diocèse d'une lettre pastorale intitulée Et clamor Jerusalem ascendit.
« LETTRE
DE S.E. MONSEIGNEUR SALIEGE ARCHEVEQUE DE TOULOUSE SUR LA PERSONNE HUMAINE
Mes très chers Frères,
Il y a une morale chrétienne, il y a une morale humaine qui impose des devoirs et reconnaît des droits. Ces
devoirs et ces droits, tiennent à la nature de l’homme. Ils viennent de Dieu. On peut les violer. Il n’est au pouvoir d’aucun mortel de les supprimer. Que des enfants, des femmes, des hommes, des
pères et des mères soient traités comme un vil troupeau, que les membres d’une même famille soient séparés les uns des autres et embarqués pour une destination inconnue, il était réservé à notre
temps de voir ce triste spectacle. Pourquoi le droit d’asile dans nos églises n’existe-t-il plus ? Pourquoi sommes-nous des vaincus ? Seigneur ayez pitié de nous. Notre-Dame, priez pour la
France.
Dans notre diocèse, des scènes d’épouvante ont eu lieu dans les camps de Noé et du Récébédou. Les Juifs sont
des hommes, les Juives sont des femmes. Tout n’est pas permis contre eux, contre ces hommes, contre ces femmes, contre ces pères et mères de famille. Ils font partie du genre humain. Ils sont nos
Frères comme tant d’autres. Un chrétien ne peut l’oublier. France, patrie bien aimée France qui porte dans la conscience de tous tes enfants la tradition du respect de la personne humaine. France
chevaleresque et généreuse, je n’en doute pas, tu n’es pas responsable de ces horreurs.
Recevez mes chers Frères, l’assurance de mon respectueux dévouement.
Jules-Géraud Saliège
Archevêque de Toulouse
13 août 1942
À lire dimanche prochain, sans commentaire. »
Le 23 août 2012 Le hasard a fait que mes pas emboitent ceux d’une famille de réfugiés du
Bangladesh et que je découvre qu’à deux pas de chez moi se trouve un Centre d’Accueil de Demandeurs d’Asile, [CADA] et je l’ignorais ! C’est là, chemin des Bourdettes…
Cette famille, que nous appellerons famille Bengali, fait partie des 50 demandeurs d’asile accueillis,
hébergés et pris en charge par le CADA de Colomiers pendant la durée de l’étude de leur dossier de demande de statut de réfugié. Je suis émerveillée par le travail, le dévouement, l’ingéniosité
et la gentillesse des travailleurs sociaux : en plus de leur compétence juridique et administrative, ils font un travail d’écoute, aident ces personnes dont la vie a été brisée à parler de leur
histoire, à trouver une dignité, devenir autonomes, apprendre notre langue, sortir de l’isolement, trouver des aides, inventer et réaliser des projets de solidarité.
Le CADA s’appuie sur des associations existantes comme le Secours Populaire, le Secours Catholique, le pôle
social de la commune, les Restos du Cœur, et, chose importante, tisse un réseau de bénévoles.
La famille Bengali est chrétienne, et sentant combien leur conviction religieuse était importante, Hélène,
l’assistante sociale du CADA, a voulu s’appuyer sur nous pour donner une bouffée d’oxygène de plus à cette famille isolée par la différence langue et de culture. La Fête des Peuples a été la
1ière opportunité offerte : quel réseau efficace et généreux : la Coopération Missionnaire a fourni des contacts d’autres familles bengali sur Toulouse, des paroissiens ont pris en charge le
trajet et l’accompagnement pour la journée ; dès le lundi, le CADA témoigne : « Nous n’avions encore jamais vu de tels visages rayonnants dans cette famille ! La participation à cette fête
les a remplis de bonheur ». En revoyant Martin, la 1ière chose qu’il me dit est : « Tu sais, nous avons parlé bengali et j’ai même chanté l’après-midi ! ».
Martin a grand besoin de se sentir utile et il veut faire du bénévolat, car passer d’une vie active et d’une
responsabilité de chef de famille à rester dans un appartement le frustre. C’est difficile de lui trouver quelque chose car il ne parle pas encore suffisamment le français.
Mais il est enthousiaste et a rejoint avec joie la petite équipe qui retape les livrets de chants, il va
aussis peut-être, aider les administratifs de la Passerelle.
Avec les travailleurs sociaux de la mairie, il va prendre part au projet « Asie ».
Quant à sa femme, elle est en contact et échange avec d’autres parents et enfants grâce à Parentèle. Tous
deux vont dans les Maisons citoyennes, qui leur proposent des cours d’alphabétisation, et fonctionnent aussi avec des bénévoles.
Je suis émerveillée de voir tant de solidarité, de tolérance, ce tissus de bonnes volontés, cette mise en
œuvre de l’ingéniosité et de compétences dans le seul but de réparer les fractures et de donner à l’autre toute sa place, comme véritable frère d’une même famille.
Odette
2ème photo http://spfcolomiers.free.fr/blog/wp-content/2010/12/alpha11.jpg