Dans Christian de Chergé, une théologie de l’espérance de Ch. Salenson pp. 192
Nous sommes habités d'une Bonne Nouvelle, qui n'est pas un savoir, mais qui est une vie en nous, la Vie de notre vie. « Il est tout à fait évident que ce mystère de la Visitation, nous devons le privilégier dans l'Église qui est nôtre. J'imagine assez bien que nous sommes dans cette situation de Marie qui va voir sa cousine Elisabeth et qui porte en elle un secret vivant qui est encore celui que nous pouvons porter nous-mêmes, une Bonne Nouvelle vivante. Elle l'a reçue d'un ange. C'est son secret et c'est aussi le secret de Dieu »
Que savons-nous en dire de cette Vie qui nous habite ? De nombreux chrétiens, authentiques apôtres, ne savent pas parler de Dieu, ne savent pas comment s'y prendre avec leurs proches alors même qu'ils vivent vraiment de cette Bonne Nouvelle. Et Marie? « Elle ne doit pas savoir comment s'y prendre pour livrer ce secret. Va-t-elle dire quelque chose à Elisabeth ? Peut-elle le dire ? Comment le dire ? Comment s’y prendre ? Faut-il cacher ? Et pourtant, tout en elle déborde, mais elle ne le sait pas. D’abord c’est le secret de Dieu ».
Et l'autre que nous rencontrons, ces amis, ces proches, ceux avec qui nous faisons route, qui souvent ne connaissent pas l'Évangile, qui assez fréquemment rejettent l'Église n'y voyant qu'une vieille femme crispée sur ce qu'elle croit et désireuse de l'imposer à tous, eux aussi sont travaillés au fond d'eux-mêmes. Et cela l'Église ne peut pas ne pas le croire. « Et puis, il se passe quelque chose de semblable dans le sein d'Elisabeth. Elle aussi porte un enfant. Et ce que Marie ne sait pas trop, c'est le lien, le rapport, entre cet enfant qu'elle porte et l'enfant qu'Elisabeth porte. Et ça lui serait plus facile de s'exprimer si elle savait ce lien. Mais sur ce point précis, elle n'apas eu de révélation, sur la dépendance mutuelle entre les deux enfants. Elle sait simplement qu'il y a un lien puisque c'est le signe qui lui a été donné : sa cousine Elisabeth ». Nous oublions parfois que le signe qui nous a été donné, c'est que l'autre aussi est porteur d'une parole, ce signe nous a été donné à la confirmation. Je peux aller à la rencontre de l'autre parce que l'autre aussi est habité par la vie de l'Esprit et, bien que je le sache, ce sera toujours une expérience déroutante pour tous les apôtres de tous les temps de faire le même constat que faisait Pierre dans la rencontre avec Corneille : « il lui a été fait le même don qu'à nous ! »
« Nous savons, poursuit Christian de Chergé, que ceux que nous sommes venus rencontrer, ils sont un peu comme Elisabeth, ils sont porteurs d'un message qui vient de Dieu. Et notre Église ne nous dit pas et ne sait pas quel est le lien exact entre la Bonne Nouvelle que nous portons et ce message qui fait vivre l'autre. Finalement, mon Église ne me dit pas quel est le lien entre le Christ et l'islam. Et je vais vers les musulmans sans savoir quel est ce lien ». Nous ne saurons jamais exactement quel est le lien, mais nous savons que l'autre aussi est porteur d'un message qui vient de Dieu. Que devons-nous faire? En quoi consiste alors le témoignage ? La mission ? Marie n'a pas proposé la foi ! « Et voici que, quand Marie arrive, c'est Elisabeth qui parle la première. Pas tout à fait exact car Marie a dit : as salam alaikum \ Et ça, c'est une chose que nous pouvons faire ! On dit la paix : la paix soit avec vous ! Et cette simple salutation a fait vibrer quelque chose, quelqu'un en Elisabeth. Et dans sa vibration, quelque chose s'est dit... Qui était la Bonne Nouvelle, pas toute la Bonne Nouvelle, mais ce qu'on pouvait en percevoir dans le moment. D'où me vient-il que... L'enfant qui est en moi a tressailli? Et vraisemblablement, l'enfant qui était en Marie a tressailli le premier. En fait, c'est entre les enfants que cela s'est passé cette affaire-là... ». Ce que porte l'unest venu rejoindre ce que porte l'autre. Toutes proportions gardées, cette expérience est fréquente dans les relations ordinaires de la vie, dans les rencontres simples et authentiques où chacun peut dire ce qu'il porte. La parole de l'autre trouve écho en sa propre existence. Ce n'est pas pour rien si cela se nomme « Visitation ». Qui visite qui ? Pierre visite Corneille mais il est visité par lui et ensemble ils sont visités par l'Esprit.
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