Marc 10,1-12. En ce temps-là, Jésus arriva dans le territoire de la Judée, au-delà du Jourdain. De nouveau, des foules s’assemblent près de lui, et de nouveau, comme d’habitude, il les enseignait. Des pharisiens l’abordèrent et, pour le mettre à l’épreuve, ils lui demandaient : « Est-il permis un mari de renvoyer sa femme ? » Jésus leur répondit : « Que vous a prescrit Moïse ? » Ils lui dirent : « Moïse a permis de renvoyer sa femme à condition d’établir un acte de répudiation. » Jésus répliqua : « C’est en raison de la dureté de vos cœurs qu’il a formulé pour vous cette règle.
Mais, au commencement de la création, Dieu les fit homme et femme. À cause de cela, l’homme quittera son père et sa mère, il s’attachera à sa femme, et tous deux deviendront une seule chair. Ainsi, ils ne sont plus deux, mais une seule chair. Donc, ce que Dieu a uni, que l’homme ne le sépare pas ! » De retour à la maison, les disciples l’interrogeaient de nouveau sur cette question. Il leur déclara : « Celui qui renvoie sa femme et en épouse une autre devient adultère envers elle. Si une femme qui a renvoyé son mari en épouse un autre, elle devient adultère. »
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Ce passage peut être difficile à recevoir pour nous dans notre contexte ecclésial actuel, où l’enjeu nous apparaît bien plus qu’avant de rechercher à concilier vraiment amour et vérité sans croire que tout est réglé, réglementé d’avance, comme pourrait le laisser entendre une première perception de la parole tranchante du Seigneur : « ce que Dieu a uni, que l’homme ne le sépare pas ! » Cette parole de Jésus semble inciter à une attitude inflexible. Mais entendons-nous vraiment bien la parole du Seigneur en allant en ce sens ? Pas si sûr.
Je voudrais d’abord vous relire ce que le Père Olivier de Framond a écrit il y a quelques années pour le Jardinier de Dieu. Olivier a été responsable de nombreuses années du secteur couple au Châtelard.
Et maintenant, une autre considération, dans le même sens, mais peut-être plus théorique. Je m’en excuse, mais il peut être opportun de prendre du recul sur la manière dont souvent nous raisonnons. En toute question, il y a toujours à distinguer la situation et les principes. Et se faisant chacun trouve une plus juste place. C’est bien ainsi que Jésus fait en prenant en considération la situation sociale du peuple juif de son temps dans la question du mariage et de la répudiation. Celle-ci devient alors, selon lui, le produit de « cœurs endurcis ». Du coup peut retentir de manière nouvelle le rappel du principe dans sa forme la plus pure, celle de l’origine : « au commencement de la création, Dieu les fit homme et femme ». Cette tension ouverte entre la situation et le principe absolu a pour premier effet de faire voler en éclat le règlement, mot plus juste que celui de règle, qui permet de renvoyer sa femme à condition d’établir un acte de répudiation. Alors s’ouvre une considération de la situation de manière bien plus large, non réduite à une simple approche réglementaire, et une écoute plus profonde du principe, porteur de vie peut s’opérer. Dès lors, le fait de quitter son père et sa mère pour s’attacher à sa femme, et ne devenir tous deux qu’une seule chair prend une toute autre dimension. Et est mis en avant le travail, nécessaire du principe, dans ma situation propre, travail qui va bien au-delà du simple règlement à respecter de l’extérieur. Cette mise en œuvre du principe doit mobiliser la liberté intérieure de l’homme et de la femme, il est l’appel à devenir pour les deux dans le fait et de quitter et de rassembler, de se rassembler. Ne pas faire ainsi, c’est réduire la portée du principe, rappelé par le Seigneur. Notre Eglise, sous la houlette de son pasteur suprême le pape François, a repris ce chemin certes malaisé mais porteur de la vie véritable. Que le Seigneur accompagne son Eglise en ces jours ! Amen !
Jean-Luc Fabre, compagnon jésuite