Luc 10, 38-42 En ce temps-là, Jésus entra dans un village. Une femme nommée Marthe le reçut.
Elle avait une sœur appelée Marie qui, s’étant assise aux pieds du Seigneur, écoutait sa parole.
Quant à Marthe, elle était accaparée par les multiples occupations du service. Elle intervint et dit : « Seigneur, cela ne te fait rien que ma sœur m’ait laissé faire seule le service ? Dis-lui donc de m’aider. »
Le Seigneur lui répondit : « Marthe, Marthe, tu te donnes du souci et tu t’agites pour bien des choses.
Une seule est nécessaire. Marie a choisi la meilleure part, elle ne lui sera pas enlevée. »
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Selon le point de vue que nous adoptons la parole de Dieu nous parlera différemment. A vrai dire, ce n’est pas un problème, la Parole de Dieu vient rencontrer l’homme là où il est pour l’orienter vers le chemin de la vie en plénitude. Aussi ici, dans ce passage qui relate le séjour chez Marthe et Marie, nous pouvons considérer les deux femmes, les deux sœurs et pourquoi pas la maison. Comment donc cette maison vit-elle ? Comment pourrait-elle vivre mieux ?
« Dans sa maison »… C’est étrange, Marie habite aussi avec Marthe apparemment alors cela doit donc être une maison partagée… Alors comment cette maison, qui est dite maison de Marthe, alors que Marie y habite aussi, peut-elle être vivante ? En fait, il n’y a pas de lieu qui ne puisse être lieu véritable d’habitation sans d’abord être aussi un lieu de cohabitation. Un exemple m’a frappé cette année. Sur une des rues jouxtant Notre Dame d’Espérance à Paris, deux clochards ont successivement séjourné sur le trottoir, soit en construisant comme une petite maison avec un toit, soit en établissant un lieu d’échange comme un salon. Mais et l’un et l’autre, ils étaient ouverts à la perspective de la cohabitation et s’y sont livrés, en partageant leur maison ou leur salon avec d’autres. Durant l’été, la police a fait disparaître ce campement qui depuis n’a pas repris… Il n’en demeure pas moins que dans ce dénuement extrême tous les deux, à leurs manières, retrouvaient le vrai geste de l’habitation, qui est d’avoir une habitation ouverte, co-habitante. Alors que se passe-t-il s’il n’y a pas de cohabitation. C’est dans le texte : accaparé !
« Accaparée » Marthe, seule, fait trop par elle-même, sans parole, tout s’organise de sa tête et retombe sur ses bras. Elle se trouve à devoir réaliser ce que le programme lui impose ; elle en prend au-delà de ce qu’elle peut porter, par absence de parole, d’ajustement… Elle n’est plus elle-même, elle est hors d’elle. L’effort l’amène à manquer la finalité même de son travail : accueillir l’hôte.
« Dis-lui donc de m'aider » Marthe propose à un autre principe, encore plus extérieur celui de l’hôte de passage pour mettre en ordre sa maison. Alors, comment inventer un vivre ensemble véritable ? Il s’agit certainement de reposer ensemble, avec tous les habitants, les conditions, et pour cela de contempler la situation, de mettre en commun… le chemin commence par s’asseoir ensemble d’abord, la parole, qui se met à circuler alors ; refonde toujours. La parole échangée donne de faire émerger des possibles que nous n’aurions pas imaginés en étant seuls, des possibles raisonnables, des possibles partagés, des possibles réalisables, des possibles qui se réalisent… Jésus indique le lieu où tout peut recommencer, la parole qui naît d’une simple conversation. Avec Marie, il y attend Marthe. C’est là sa réponse, son aide qu’il lui adresse…
[1] Habiter Raphaëlle Cazal Études 2014/7 (Tome 420) 144 Éditeur : S.E.R. un article qui donne de belles perspectives sur cette dimension fondamentale de l’humain.
Père Jean-Luc Fabre
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