Aimer un autre est le voir comme vous-même, un être humain semblable à vous. Saint Augustin disait que l'ami est ' un autre moi '.
Il écrivait : ‘ je suis d'accord avec le poète qui appelait son ami "la moitié de sa propre âme." Car je sentais que mon âme et celle de mon ami étaient une âme dans deux corps’. Quand nous
allons vers des personnes qui vivent des relations cassées, ou qui cohabitent, ou des divorcés-remariés, nous nous voyons nous-mêmes dans leur situation. Nous nous identifions à eux et savons que
nous pourrions facilement être dans leur situation.
L'autre aspect de la vraie compassion est l'acceptation que l'autre personne n'est pas comme moi. L'autre personne est unique et je ne peux pas connaître exactement sa souffrance. Il est très irritant si vous êtes dans la douleur et quelqu'un vous dise: ' je sais exactement ce que vous ressentez. ' Peut-être vous avez perdu quelqu'un que vous aimez, ou vous supportez la douleur physique et vous avez envie de dire : ' non, vous ne le pouvez pas! Vous n'êtes pas moi! ' Ma souffrance n'est pas exactement la même que celle d’un d'autre. Vous n'avez jamais perdu ma femme ou mon mari ! Vous ne savez pas à ce que c’est pour moi d’être face à la mort.
La vraie compassion respecte aussi l’altérité et le mystère de l’autre. Comment pouvons-nous grandir avec cette révérence pour l’autre personne ? Hier, je parlais de la façon de regarder l’autre ; nous prions afin de pouvoir regarder avec les yeux de Jésus, mais Jésus aussi se laisse voir lui-même. Sur la croix, il est nu face à nos yeux. Ses yeux percent toutes nos dissimulations mais il a le courage de se laisser voir également même comme mort sur la croix, quand il ne peut plus regarder en arrière. Il se confie à notre regard.
La véritable compassion veut dire que nous regardons les autres avec amour, mais que nous nous laissons voir nous-mêmes aussi. Si nous regardons uniquement, nous revendiquons une certaine supériorité. [..] Dans un couple, ou même dans la vie religieuse nous apprenons la réciprocité de la compassion. Nous nous laissons toucher par ce que l’autre personne vit. Nous la regardons avec les yeux ouverts. Mais nous devons aussi oser nous laisser regarder par notre époux. Nous ne devons pas cacher nos faiblesses, nos doutes, nos insécurités. Nous devons même être littéralement nus avec l’autre. Et cela demande une grande confiance, spécialement quand nous vieillissons et devenons « mous ». Nous pouvons avoir confiance qu’il nous regardera avec pitié et compréhension. Avons-nous peur que notre époux nous voie comme nous sommes réellement, et qu’il ne puisse plus nous aimer ? Vous sentez-vous portés à ériger une façade qui vous ferait gagner l’admiration, plutôt que de faire confiance en son amour plein de compassion pour nous ? Dieu nous voit tel que nous sommes, il nous aime plus que quiconque.
Un jour je visitais un énorme dépotoir d’ordures dans la périphérie de Kingston en Jamaïque, là où vivent les plus miséreux. J’ai découvert une sorte de cabane primitive, presque comme une grande boîte en carton. Quand je m’approchais, une mère et son jeune fils en sortaient. Ils m’ont invités à l’intérieur et m’ont offert un coca-cola qu’ils avaient, je suppose, trouvé dans les ordures, et le fils m’a demandé d’échanger nos T-shirts. J’étais très touché et j’ai gardé le T-shirt pendant des années. Il semble plutôt avoir rétréci. Ce n’était simplement pas moi qui les voyais, mais c’est eux qui me voyaient, j’existais à leurs yeux, j’étais invité dans leur maison. Nous nous sommes regardés. Sans cette réciprocité, même la compassion peut devenir paternaliste et même dominatrice.
P. Radcliffe, 24 juillet 2012 http://www.zenit.org/article-31527?l=french
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