Simone Adolphine Weil naît à Paris le 3 février 1909, dans un milieu
juif, bourgeois libéral et agnostique. D'une santé fragile, l'adolescente se révèle excellente en lettres, … Elle entre à l'École normale supérieure en 1928, en sort agrégée de philosophie en
1931 … Professeur dans divers lycées du centre de la France, elle participe aussi à l'action syndicale, écrit dans la Révolution prolétarienne.
….
Elle décède au sanatorium d'Ashford (Kent), le 24 août 1943, à l'âge de trente-quatre ans.
Pour Simone Weil, le caractère absolument surnaturel du christianisme ne fait aucun doute, pas plus que la présence réelle dans
l'Eucharistie. Le baptême lui apparaît comme l'« initiation » chrétienne.
Et pourtant, elle le refusera. Elle reproche au catholicisme, outre l'Inquisition, son autoritarisme, ses compromis séculiers, son
prosélytisme. Ne voulant pas se désolidariser de la masse des croyants, souhaitant garder son indépendance d'esprit pour continuer ses recherches, elle verra dans ce refus la volonté de Dieu qui,
peut-être, ne veut pas son salut. De fait, cette éprise du Christ trouvait en lui beaucoup plus que dans
l'Église-institution le modèle à suivre.
En créant le monde, Dieu opéra un renoncement : celui d'être tout. (On pensera au tsimtsum hébraïque, le « retrait » de Dieu pour
laisser place à la Création.) Sans doute, ainsi faisant, autorisait-il l'intrusion du mal ; car lui seul est parfait. Mais il n'en est en aucune manière l'auteur. Dieu s'est également renoncé en
s'incarnant. En se faisant non-être, il nous apprend ce que nous sommes. Il s'est vidé de sa divinité comme nous avons à nous vider de la fausse divinité en nous, à laquelle nous nous identifions
depuis notre naissance. (On pensera ici à la kenosis chrétienne.) Dieu mendie notre amour de toute son humilité. Il n'est que là où il n'y a plus de « je ».
Cette mort du moi, c'est le malheur qui la consacre ; un malheur absolu, excluant toute consolation ; par là même, rédempteur. Avec
son étonnante discrimination, Simone Weil remarque : « L'extrême grandeur du christianisme vient de ce qu'il ne cherche pas un remède surnaturel contre la souffrance, mais un usage surnaturel de
la souffrance. » Alors que celle-ci est prise de conscience du moi en tant que néant, la joie née d'une transparence faite de silence et de densité est conscience extatique de l'absence de tout
moi.
C'est ici qu'intervient la grâce, ouvrière de « décréation ». Celle-ci consiste à n'être plus rien pour permettre à Dieu de redevenir tout. Elle n'est pas destruction, mais
nouvelle création sur un plan de rencontre de l'âme purifiée avec Dieu. Elle fait passer du créé à l'incréé.
L'attention sans mélange portée à ce que l'on fait y introduit déjà. Trouvant son accomplissement dans la prière, elle nous élève
au-dessus de l'« égarement des contraires » : le vrai bien ne s'oppose pas au mal, il le transcende en l'effaçant. La parfaite obéissance à la volonté divine est un autre mode de sanctification.
Plus encore, le détachement à l'égard de son propre détachement. Et surtout, l'amour de l'autre, mais total et inconditionnel : la seule façon d'aimer comme aime Dieu ; en se niant soi-même pour laisser l'autre exister. Ce
n'est plus l'homme, alors, qui aime, mais Dieu à travers l'homme, médiateur à l'égard de l'univers. …
http://nous-les-dieux.org/Personnalit%C3%A9s/Jean_Bi%C3%A8s/Les_Grands_Initi%C3%A9s_Du_XXe_Si%C3%A8cle/Simone_Weil
* dans "La pesanteur et la grâce, p. 44 - S. Weil
Être rien pour être à sa vraie place dans le tout*
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