« L'homme peut refuser, plus ou moins consciemment, de consentir au désir qui l'habite. Dans ce cas, il est comme un aveugle-né. Il est empêché d'interpréter les signes.» Denis Vasse
Et c'est au cœur de l'Évangile que l'on peut, selon vous, trouver une réponse à cette violence absolue, aussi contemporaine soit-elle? Maurice Bellet : « Si l'on est attentif à cette question de la violence absolue, il y a, dans l'espèce de magma culturel où nous sommes, une figure que l'on ne peut pas éviter, c'est celle du Crucifié. Elle est tellement rude qu'elle peut d'abord provoquer le rejet. Pensons que Dieu avait retenu le bras d'Abraham, obligeant l'homme à quitter le sacrifice humain, celui du fils. Avec le Christ, il semble qu'on y retourne. Le lieu du Christ est une espèce de remontée de l'hyper-archaïque : manger la chair, boire le sang, qu'est-ce que c'est que ça! Cela signifie que le Christ accepte d'être dans les lieux les plus archaïques et d'une brutalité infinie, ceux de la violence absolue. Il accepte d'y être et d'y descendre pour dire : « Même là, ce dont je témoigne survit ». Ce Dieu qui émerge justement dans la parole du Christ et dans sa traversée est celui qui ne cesse de défaire la racine de la violence absolue, de sorte qu'il est possible d'avoir des relations humaines qui ont une défense immunitaire contre ce poison. L'idée de l'Évangile, c'est qu'il y a là quelque chose qui peut tout surmonter, même la mort. Le cœur de la Bible et du christianisme est ainsi de dire : « Quoi qu'il arrive, quelque crime que vous ayez commis, vous êtes fils de Dieu. » On vous doit ce respect et vous pouvez vous l'accorder à vous-même. Cela touche le cœur du christianisme, et c'est la critique absolue contre cette violence absolue qui vous juge implacablement, au nom de ce qu'elle croit être le bien. Interview de Maurice Bellet, «Je ne suis pas venu apporter la paix». Essai sur la violence absolue. Paris, Albin Michel, 2009. « La croyance ne supporte pas la critique, alors que la foi ne peut que la désirer » Propos recueillis par Jennifer Schwarz Avec l’aimable autorisation de la revue Le Monde des Religions (septembre-octobre 2009)
« Tel est le double effet de la gloire de la Transfiguration : permettre à chaque chose et à chaque personne de ressortir dans toute sa particularité, dans son essence unique et non reproductible ; et en même temps rendre chaque chose et chaque personne transparente, capable de révéler la divine présence au-delà et à l’intérieur d’elle-même ». Kallistos Ware (« Le Royaume Intérieur »)
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