En ce jour de la fête de la Visitation, il est bon de regarder ensemble notre manière d'annoncer Dieu pour qu'il soit accueilli comme il le mérite. D'après moi, si maintenant on se détourne de Dieu, c'est parce que dès notre premier contact avec Dieu, nos parents ainsi que le catéchisme appris en vue de la Première Communion (pour plusieurs personnes la connaissance de Dieu s'arrête là, pour d'autres, ils ont peut-être encore l'occasion d'approcher Dieu quand ils préparent leur Confirmation), ne nous ont pas présenté un Dieu "aimable", c'est-à-dire un Père infiniment bon et qui nous aime.
Peut-on considérer comme vraiment bon un père qui n'accorde du bien à son enfant que s'il est sage? Sans dire qu'il sera puni s'il n'est pas sage. Avec un tel père, on peut s'efforcer seulement de ne pas être désobéissant et de chercher à lui montrer qu'on est sage pour ne pas être puni, ou mieux, pour être récompensé, mais on ne peut pas l'aimer; d'ailleurs il ne s'intéresse pas à nous et ne nous aime même pas, bien qu'on entende répéter maintes fois qu'il aime les humains au point de mourir pour les sauver. Et on ne comprend pas non plus de quoi il nous sauve, puisqu'on continue de pécher et de rencontrer des malheurs. L'image d'un tel Dieu nous amène également à le regarder comme un juge sévère, qui ne tient même pas compte des circonstances atténuantes et nous inflige une peine à la moindre faute sans chercher à en connaître la cause. On ne peut qu'avoir peur d'un tel juge, comment peut-on l'aimer comme il nous est demandé de le faire envers Dieu?
C'est pourquoi, nous pouvons nous forcer à faire des gestes cultuels et respecter les lois religieuses. Mais si nous n'arrivons pas à découvrir un Dieu-Amour, un Dieu-Père, avec qui nous voulons établir une relation personnelle, un jour, nous tomberons dans l'une des deux situations suivantes. Soit nous prenons notre courage à deux mains et "abandonnons la religion", c'est-à-dire nous cessons de "faire semblant de pratiquer la religion" comme des automates et acceptons d'être condamnés par ceux qui sont "fidèles à la pratique religieuse" (mais pas nécessairement à Dieu). Soit nous allons régulièrement à l'église le dimanche et respectons scrupuleusement ce que l'Église nous "oblige" sans aucun enthousiasme (justement, étymologiquement "enthousiaste" veut dire "qui est en Dieu"). Ce faisant, nous n'avons pas la liberté intérieure que Dieu veut pour ses enfants, nous suivons formellement les lois de l'Église, considérées comme imposées à nous par la hiérarchie, pour avoir la conscience tranquille. Nous ne comprenons pas que, par amour pour les humains, Dieu veut demeurer en nous et nous accompagner quotidiennement et à chaque grand événement de notre vie. Par conséquent, il nous donne des sacrements qui sont des signes visibles pour nous soutenir par des grâces invisibles, et des ministres (étymologiquement, serviteurs) pour nous les conférer à sa place et en son nom.
Il est important que tous ceux qui se disent chrétiens puissent reconnaître le vrai Dieu, un Père infiniment aimant, pour pouvoir transmettre l'image d'un tel Dieu. Le bagage le plus précieux dont les parents puissent doter leurs enfants est de leur donner dès leur plus jeune âge cette perception de Dieu. Des adultes peuvent s'intéresser à Dieu par des grâces reçues ou dont ils sont témoin, mais ils doivent être conduits à ne pas viser les grâces mais à s'accrocher à Dieu lui-même afin de ne pas croire en Dieu comme au génie de la lampe dans le conte d'Aladdin. Quand ils ont besoin de son aide ils l'appellent pour lui donner des ordres, et si jamais celui-ci ne peut plus les satisfaire, ils le mettent dans un coin, le rangent au grenier ou le jettent à la poubelle. Plusieurs personnes ont avec Dieu une telle relation alors il n'y a rien d'étonnant qu'elles l'abandonnent après n'avoir pas été exaucées. Mais ceux qui ont découvert un Dieu-Père ont une relation totalement différente avec lui et ne peuvent le quitter, qu'ils reçoivent ou non les grâces demandées. De plus, il leur arrive souvent de faire totalement confiance en Dieu et le laisser disposer de leur vie sans demander rien d'autre que de faire sa volonté.
Bref, Dieu dépend de nous pour le faire connaître, alors si nous voyons autour de nous des personnes indifférentes envers Dieu, voire qui le détestent, il faut nous demander comment nous avons manifesté Dieu pour qu'il en soit ainsi. Car il est certain que si nous avons su leur montrer l'image d'un Dieu aimant et aimable, elles ne peuvent ne pas l'aimer.