La salutation de l'ange à Marie fait résonner un appel à une plénitude, à une catholicité du coeur : "Réjouis-toi, comblée de grâce". Et cet appel est universel, vrai pour chaque chrétien : "Réjouis-toi, mon âme, comblée de grâce". "Réjouis-toi, Eglise, comblée de grâce". A tous la confiance en Dieu donne d'opter pour une montée vers une joie sereine.
Pour réaliser en soi-même la réponse de Marie à l'ange, il est bon de se rappeler que, avant la venue du Christ, des siècles durant, une communauté d'humbles croyants a subsisté dans le peuple d'Israël. La Vierge Marie était de cette communauté. Tendus vers un accomplissement, ces pauvres de Dieu se tenaient par la foi dans l'attente du Messie. Une telle attente dans la confiance en Dieu rend tout disponible. En réponse à l'annonce de l'ange, par un oui, par un consentement intérieur, Marie s'engage dans la fidélité de toute une existence. Ainsi, à travers l'histoire, Dieu a sauvegardé la sainteté de son appel déjà adressé jadis à Abraham et à son peuple.
Face à l'inconnu d'un engagement de toute une vie, le oui peut soulever une question : comment tenir quand, humainement, personne n'est entièrement construit pour un tel don de soi ? Vienne le temps du paisible consentement, rosée recouvrant l'étonnement de nos vies ! Il apparaît alors avec clarté qu'un oui a été déposé par l'Esprit Saint aux profondeurs de l'être ; et en s'engageant dans le oui à Dieu, même une part d'erreur humaine peu à peu se transfigure.
Prier avec Marie, c'est prier ce que, en réponse à l'ange, est monté au coeur de son coeur : "Qu'il me soit fait selon la volonté". Pour accomplir sa volonté, Dieu ne demande pas de détruire le désir humain et pas davantage de l'exalter mais, à travers le silence intérieur, de le ramasser dans un plus grand désir encore : la passion du "Christ de communion", son Eglise. En elle, le Christ devient, jour après jour, notre amour essentiel, le poème d'un amour avec Dieu.
A cet égard, aujourd'hui l'attente de beaucoup de jeunes est forte enthousiasme et marquée aussi de gravité. Leur si authentique attente, loin de les mettre au goût du jour, leur donne de découvrir les réalités du Royaume me rendues accessibles et même visibes. Et s'ouvre pour eux un chemin sur lequel le goût du don qu'est la vie rejoint le goût du don du Royaume. Quand leurs aînés sont engagés sur un même chemin, l'attente des jeunes en est soutenue. Rien à craindre. L' Eglise vivifie ces dons et les découvre toujours, ils ne lui sont jamais retirés. En présence de tels dons, déjà offerts dans le Christ avant tous les siècles, se lève l'aurore de la plénitude d'une confiance.
S'il est une parole d'Evangile qui est un reflet de Marie, c'est bien la sixième béatitude : heureux les coeurs limpides, ils verront Dieu (Mt 5,8). Ile le verront comme Marie qui, attentive, "conservait toutes choses en son coeur" et voyait Dieu d'un regard intérieur.
Avec mes frères, répondant à une vocation d'essence monastique et engagés dans un oui au célibat pour toute l'existence, nous sommes pénétrés du sens de la sixième béatitude. Dans la limpidité de l'être, corps, âme, esprit, Dieu se donne à découvrir comme notre amour essentiel. Là s'élabore et se réalise une unité entre la personne et la foi.
Et dans le oui de la vie conjugale, la limpidité du coeur, une transparence du coeur, viennent orienter le regard vers Dieu vivant.
Le oui de Marie peut soutenir la fidélité d'une existence tout entière. A cause du Christ et de l'Evangile, le oui pour la vie est un feu. Ce oui expose. Il ne peut en être autrement. Mais ce oui tient en éveil. Peu à peu, il nous construit au-dedans et permet d'avancer jusqu'à la vie d'éternité.
Mère Teresa de Calcutta, Frère Roger de Taizé, 1987. Marie, mère de réconciliation. Le Centurion, Paris, p.p.49-52