Jean leur répondait : « Celui qui a deux vêtements, qu’il partage avec celui qui n’en a pas ; et celui qui a de quoi manger, qu’il fasse de même ! »
Des publicains (c’est-à-dire des collecteurs d’impôts) vinrent aussi pour être baptisés ; ils lui dirent : « Maître, que devons-nous faire ? »
Il leur répondit : « N’exigez rien de plus que ce qui vous est fixé. »
Des soldats lui demandèrent à leur tour : « Et nous, que devons-nous faire ? » Il leur répondit : « Ne faites violence à personne, n’accusez personne à tort ; et contentez-vous de votre solde. »
Or le peuple était en attente, et tous se demandaient en eux-mêmes si Jean n’était pas le Christ.
Jean s’adressa alors à tous : « Moi, je vous baptise avec de l’eau ; mais il vient, celui qui est plus fort que moi. Je ne suis pas digne de dénouer la courroie de ses sandales. Lui vous baptisera dans l’Esprit Saint et le feu.
Il tient à la main la pelle à vanner pour nettoyer son aire à battre le blé, et il amassera le grain dans son grenier ; quant à la paille, il la brûlera au feu qui ne s’éteint pas. »
Par beaucoup d’autres exhortations encore, il annonçait au peuple la Bonne Nouvelle.
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L’Avent est toujours un temps où chacun de nous est appelé à s’interroger sur l’homme en lui-même, à se considérer lui-même en sa propre vie… Que dire de l’homme en son devenir ? L’homme, selon le philosophe Paul Ricœur, peut être approché comme capacité d’action qui, peu à peu, se développe à travers les âges de la vie. L’homme devient lui-même en agissant. En réalisant, il se réalise, les grottes de Lascaux, les viaducs modernes, les premiers dessins des enfants, tout cela nous le montre abondamment. L’homme avance dans l’intelligence de sa vie, en vivant ce développement qui va de la formulation d’un « ce que je veux », qui entraîne pour ne pas demeurer une simple velléité un « ce que je peux »… Affirmation heureuse de nous-mêmes en nos capacités mais nous le savons bien notre vie n’est pas, heureusement, une trajectoire dans le vide intergalactique, elle ne va pas sans l’interaction avec d’autres, les événements qui résistent… Cette trajectoire de croissance rencontre à un moment ou l’autre l’incontournable « ce qui s’impose à moi »… L’humanisation véritable demande à chacun de concilier en propre, pour lui-même, ces trois sommets : « Ce que je peux », « ce que je veux », « ce qui s’impose à moi »…
De cette considération, nous pouvons entendre différemment ce cri de l’humanité réfléchit en bien des statuts sociaux dans ce passage de Luc : « Que dois-je faire ? »… que dois-je faire pour bien faire ? Comme si cette énergie sauvage en moi du « ce que je veux » entraînait un « ce que je peux » sans limite, excessif, compulsif qu’il s’agirait de contraindre intérieurement par un « ce que je dois », qui serait comme un « ce qui s’impose à moi » intérieur au « ce que je veux »… La réponse du Baptiste, pose bien la mesure extérieure, qui devrait pouvoir s’imposer intérieurement à nous dans la paix… alors que notre pente naturelle est de, sans cesse, dépasser, d’aller trop loin, d’être dans l’excès… que je sois simple quidam, collecteurs d’impôts ou militaire… j’ai tendance à aller trop loin, demandant par conséquence une limite que je ne puis me donner à moi-même pour bien vivre, être avec les autres… Chacun de nous nous avons à reconnaître cette incapacité en chacun de nous de pouvoir vivre avec les autres à la bonne distance, dans le respect… Les personnes qui vont au Baptiste dans le désert, pour demander le baptême, y vont en portant le drame de la liberté humaine qui semble ne pas pouvoir se réfréner. Il n’est pas innocent que cette Parole de Dieu nous rejoigne sous fond des discussions environnementales à Copenhague, des primes mirobolantes des traders, des surcharges pondérales de beaucoup…
Cette attente est si forte, que le Baptiste défaille. Il reconnaît son impuissance, annonce la venue du Messie. Comme il le peut, avec ses vieux mots, Jean Baptiste s’essaie à dire la nouveauté que tous attendent, lui et les autres… Il dit que le Messie nous sauvera en réglant cette question par le baptême dans l’Esprit Saint… qui devrait donc mettre au cœur de l’homme, en son intime, cette capacité à vouloir justement, cette douceur qui lui manque, douceur plus forte que la force du « ce que je veux », cette mesure, cette humilité… Se dessine ainsi la venue d’un enfant comme signe de la renaissance, de la vraie nouveauté au cœur de l’homme… Notre attente prend la forme d’une naissance en nous…
P.J.L. Fabre