« Si cet homme était prophète, il saurait qui est cette femme qui le touche, et ce qu'elle est : une pécheresse. » (Luc 7, 39)
L'amante de Jésus ?
D'abord, de qui parlez-vous? Car la Marie-Madeleine à laquelle vous faites référence n'a pas existé, pour la
bonne raison qu'elle est un personnage de composition construit au cours de l'histoire à partir de trois femmes. Le mieux est de revenir aux évangiles. Jésus a manifesté de l'affection pour trois
femmes dont deux s'appellent Marie, Marie de Magdala (ou Marie Madeleine) et Marie de Béthanie, sœur de Marthe et de Lazare. La troisième n'a pas de nom : c'est une «pécheresse dans la ville».
Comme ces trois femmes ont certains traits communs, on les a «amalgamées» au VII° siècle en un personnage unique, plus fascinant, très chargé symboliquement, parce que c'était la prostituée qui
devenait une sainte. Passons-les donc en revue.
Marie de Magdala faisait partie du groupe des femmes qui suivaient Jésus et le servaient (Luc 8,1-3). Celui-ci avait chassé d'elle sept démons : cela ne veut pas dire qu'elle était particulièrement pécheresse. L'expulsion des démons était liée à la guérison des maladies, comme on le voit souvent dans les évangiles. Nous la retrouvons au pied de la croix avec d'autres femmes et Marie, la mère de Jésus (Jean 19,25 ; Matthieu 27,35-36). Dans les évangiles synoptiques, elle fait encore partie du groupe des femmes qui trouvent te tombeau vide au matin de Pâques (Matthieu 28,1). Elle ne semble pas avoir un rôle propre, mais elle est mentionnée sans doute comme celle qui représente ce groupe des femmes. C'est l'évangile de Jean qui fait état d'une relation affective très personnelle entre elle et Jésus, puisqu'elle est la première bénéficiaire d'une apparition, quand elle est en pleurs à côté du tombeau (Jean 20,11-18). On connaît l'échange émouvant des deux noms : «Marie», «Rabbouni» à l'instant de la reconnaissance entre elle et Jésus. C'est beaucoup, mais c'est tout. Il n'y a rien d'autre dans les évangiles. Jésus a «aimé» Marie de Magdala, comme il a « aimé » d'autres femmes. Il n'a pas été «l'amoureux» de Marie.
La seconde est Marie de Béthanie, qui avait « choisi la meilleure part» en écoutant Jésus, alors que sa sœur était occupée au service (Luc 10.3&42). Quand Jésus arrive chez elle pour rendre la vie à Lazare, elle est en pleurs et professe sa foi en Jésus, comme sa sœur ; quand il vient prendre le repas à Béthanie, peu de jours avant sa mort, Marie oint les pieds de Jésus avec un parfum de prix et les essuie avec ses cheveux, geste de grande affection auquel Jésus donne le sens prophétique de son ensevelissement.
La troisième femme est la «pécheresse dans la ville», c'est-à-dire une prostituée, venue répandre du parfum sur les pieds de Jésus en signe de repentance dans la maison de Simon le pharisien ; Luc ne nous dit pas son nom (Luc 7,36-50). Jésus loue la qualité de son amour et le donne en exemple à Simon. Elle a donc accompli le même geste que la seconde Marie, ce qui facilitait une confusion entre les deux femmes. De même, on a identifié Marie-Madeleine à la pécheresse en raison des «sept démons» chassés. Malgré ces ressemblances, ces trois femmes sont bien distinctes dans les récits évangéliques.
On ne peut donc pas prétendre que Jésus a été «amoureux» de trois femmes! Il les a aimées comme il a aimé le jeune homme riche, comme il aimait Lazare ou le disciple « bien-aimé», sans qu'on puisse dire pour autant qu'il était homosexuel. Il est curieux que certains cherchent à soupçonner toujours quelque chose de sexuel chez Jésus, dont le caractère totalement virginal dérange. Ou bien on reproche au christianisme, et spécialement au catholicisme, d'être sans cœur, de mépriser la chair, l'amour humain et la femme ; ou bien, quand Jésus nous montre qu'il avait un cœur d'homme et qu'il était capable d'éprouver de vraies affections, on projette sur lui un mariage ou un amour charnel...
Bernard Sesboüé s.j.
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