On serait tenté de proposer comme thème de ce dimanche « le témoignage et la métrique ».
Ce qu’annonce Isaïe dans le texte du jour se traduit dans l’action du Christ dans le texte de Mathieu.
Mais comment peut-on être sûr que les actions du Christ en sont la traduction? On peut le confirmer si et seulement si le Messie, celui qui doit venir, accomplit les Écritures.
Voilà la métrique.
Les Écritures ont l’avantage d’être publiques. On peut s’y référer et elles sont le juge qui fait la part des choses.
Néanmoins, il faut « connaître » les Écritures pour reconnaître leur accomplissement.
Voilà d’ailleurs les termes de la question de Jean le baptiste.
« Es-tu celui qui va accomplir les Écritures, ou devons-nous en attendre un autre ? »
Jean le baptiste est momentanément converti en « homme de la caverne » de Platon. Il est en prison. Son mouvement est arrêté.
Il n’a accès à ce qui se passe qu’indirectement et par ouï-dire.
Quel est le rapport entre ce que fait Jésus et ce que les rapporteurs en comprennent ?
Jean, exprime-t-il un doute ?
La littérature est pléthorique sur cette question.
Jean avait déjà reconnu Jésus comme Messie dès le départ.
Le temps passe.
Jésus ne prône pas la révolution ou l’insurrection pour se défaire d’un pouvoir païen afin d’établir le règne de Dieu à la place.
Jésus s’affiche avec des gens peu recommandables, des péagers, des collecteurs d’impôts, etc.
Jésus est en train de salir sa réputation devant les « honnêtes gens » de l’époque.
Est-ce la métrique avec laquelle Dieu s’implique dans le monde ?
Jean, exprime-t-il un doute, ou alors, est-il traversé par un doute sur lui-même ?
L’issue de son existence est incertaine. Hérode, va-t-il le libérer ? C’est peu probable.
Jean, vit-il l’heure creuse du Mont des Oliviers ?
Ainsi, Jean semble demander à Jésus : es-tu toi ?
Jésus lui fait savoir, par la preuve des Écritures :
« Les aveugles retrouvent la vue, les boiteux marchent, les lépreux sont purifiés, etc. »
Autrement dit, je suis bien moi.
Si je suis bien moi, tu es donc toi.
Jean saura quoi faire de ces faits puisque c’est un homme de Dieu.
Sa mission est accomplie.
Alors, les Écritures sont dans les livres, serions-nous tentés de dire, mais pour un prophète comme Jean, les Écritures ont pris corps en lui. Elles se sont mêlées à la ligne de fond du prophète, ou à ce feu dont parlait Jésus qui couvait en lui. Nous avons perçu qu’un même feu couvait en Jean.
C’est la ligne de fond qui permet de discerner les événements qui surviennent dans l’existence.
Celui dont le fond n’est pas traversé par les Écritures aura comme objectif l’accomplissement des désirs personnels.
Celui dont le fond est traversé par les écritures, alors, ses désirs personnels et les désirs de Dieu deviennent un.
Jean a toujours témoigné du Christ en l’annonçant. À la limite, c’est sa mission, annoncer celui qui va venir.
Nous avons dans l’évangile, un renvoi de l’ascenseur. C’est Jésus cette fois qui rend témoignage à Jean. D’ailleurs, qui connaît Jean pour lui rendre témoignage, sinon Jésus ?
Il ajoute que le plus petit dans le royaume est plus grand que Jean.
Ce n’est pas un pic contre Jean, mais la révélation de la métrique du royaume de Dieu. Voilà la justice.
Roland Cazalis, compagnon jésuite