Nous voilà donc entrés de plain-pied dans ce temps de l’avent.
La liturgie propose un évangile au ton apocalyptique qui pourrait contraster avec l’espérance et même l’appel à la joie que représente le temps de l’avent à cause de son épilogue qui est la Nativité.
Avant toute chose, je rappelle la distinction entre les deux venues du Verbe divin.
La première venue est donc la Nativité, c’est vers cette fête que nous nous dirigeons.
La seconde venue est appelée « Parousie » qui signifie littéralement « présence; arrivée, venue » qui signera la fin des temps, ou la fin d’un temps.
Sur ce thème, Teilhard de Chardin (Milieu divin, 1955, p.197) écrivait :
« Le Seigneur Jésus ne viendra vite que si nous l'attendons beaucoup. C'est une accumulation de désirs qui doit faire éclater la Parousie (...). Hélas, la hâte un peu enfantine, jointe à l'erreur de perspective, qui avaient fait croire la première génération chrétienne à un retour imminent du Christ, nous ont laissés déçus, et rendus méfiants. Les résistances du Monde au Bien sont venues déconcerter notre foi au Règne de Dieu »
Est-ce que nous désirons la Parousie ? Oui, mais pas tout de suite.
Quoi qu’il en soit de l’état de notre désir, pour ne pas être surpris par la Parousie, il faut avoir vécu la Nativité.
Pour ne pas être surpris par la Parousie, il faut avoir reçu le Verbe divin, ou avoir reçu l’Esprit et être conduit selon sa justice.
En effet, c’est en ayant reçu cette lumière d’en haut, lumière qui est la seule réalité à pouvoir habiter notre intériorité, que peuvent se créer en nous les dispositions et l’orientation dans la vie qui soit en phase avec la vie qu’est Dieu.
Faute de quoi, il est à craindre que nous nous laissions conduire par ce qui reste archaïque en nous, ce que le théâtre grec antique a projeté dans l’hubris des dieux, - excès, démesure, orgueil- dans le dionysiaque, ou son contraire, par le spleen que caractérise le fait d’être empêtré dans les soucis de la vie.
Les mythes grecs avaient la sagesse de laisser entendre que « nous ne sommes pas des dieux », et plus subtilement, que « nous ne voulons pas être comme eux », même si nous sommes à deux doigts de succomber à la tentation de vouloir l’être.
Nous pouvons alternativement nous donner des règles de vie de manière à rester avec nous-mêmes, tant que ces règles ne soient si rigides qu’elles ferment la porte au monde de la vie, à telle enseigne que le monde de la vie soit obligé de nous esquiver afin de poursuivre son chemin.
En promulguant nos propres règles, notre propre sens, notre propre horizon au lieu de le laisser émerger ou advenir, reste ouvert ou plutôt fermé ou clos, le mystère de la rencontre pour lequel l’espèce humaine semble être faite.
Pour ne pas être surpris par la Parousie, il faut avoir vécu la Nativité.
Voilà pourquoi, le temps de l’avent est un temps de préparation certes, mais surtout un temps pour désirer vivre la Nativité.
Le jésuite Johannes Scheffler du XVIIe siècle, médecin et philosophe, plus connu sous le nom d’Angelus Silesius, venant de la Silésie, écrivait « Dieu naîtrait mille fois à Bethléem, s’il ne naît pas en toi, c’est ta perte à jamais ».
Les mystiques ont toujours cette forme d’excès qui souligne leur désir.
Quoi qu’il en soit, c’est de cette Nativité-là qu’il s’agit ! En d’autres termes, que Dieu se fait présent à moi, personnellement, qu’il vienne à ma rencontre !
S’il ne vient pas à ma rencontre, je n’ai aucune possibilité de le connaître.
Voilà pourquoi, le temps de l’avent est le temps du désir !
Mon seul « pouvoir » sur Dieu, si je puis dire, c’est de désirer, c’est de le désirer.
C’est le désir qui crée la disponibilité. C’est le désir qui crée cette ouverture de mon intériorité, car Dieu ne peut entrer dans mon intériorité que si je lui donne la permission.
C’est donc le désir qui veille en moi ; c’est le désir qui me tient sur mes gardes.
Alors, comment creuser son désir ?
Est-ce que je désire que Dieu me connaisse ou pas ? Il faut être honnête avec soi-même.
Les évêques de la Belgique francophone souhaitent que le premier dimanche de l’Avent soit un dimanche consacré à la Parole de Dieu.
Il ne s’agit pas de vénérer un livre, car ce n’est pas cela le christianisme.
La parole, c’est ce qui s’entend, et non pas le son de la voix de celui qui lit ou parle, mais ce que j’entends et qui demeure en moi.
La parole de Dieu est insoluble dans le bruit du monde, donc rien ne peut l’empêcher de se faire entendre, sauf si je n’en ai pas le désir.
L’apôtre Paul disait que « la foi naît de ce que l’on entend ».
On pourrait aussi dire que le désir naît de ce que l'on entend, et ce que l’on entend, c’est la parole du Christ. Mais ça, c’est Paul qui le dit.
Père Roland Cazalis
Jr 33, 14-16 ; Ps 24 (25), 4-5ab, 8-9, 10.14 ; 1 Th 3, 12 – 4, 2 ; Lc 21, 25-28.34-36